Le Moyen Age

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IXe siècle :
1. Revelatio ecclesiae sancti Michaelis archangeli in Monte Tumba (première moitié du IXe siècle)

XIe siècle :
2. Introductio monachorum (1080-1095)
3. De translatione et miraculis beati Autberti (1080-1095)
4. Miracula sancti Michaelis (1080-1095)

XIIe siècle :
5. Baudri de Dol, De scuto et gladio (1112-1114)
6. La Chanson de Roland (vers 1125)
7. Le Couronnement de Louis (1130)
8. Geoffroy de Monmouth, Historia regum Britanniae (1135)
9. « De quodam homine contracto ante altare sancti Michaelis pristinae sanitati restituto » (après 1146)
10. La Chanson de Guillaume (1150)
11. Wace, Roman de Brut (1150-1155)
12. Guillaume de Saint Pair, Le Roman du Mont Saint-Michel (1155)
13. Marie de France, « Milon », Lais (1180)
14. Ami et Amile (1200)

XIIIe siècle
15. Gonzalo de Berceo, Milagros de Nuestra Señora (vers 1260)
16. Voragine, « Saint Michel Archange », La Légende dorée (1261-1266)

XIVe siècle
17. Miracle de Robert le Dyable (1375)
18. Registre criminel du Châtelet (1389)

XVe siècle
19. Chronique du Mont-Saint-Michel (1418 – 1436)
20. Gutierre Diaz de Games, Le Victorial : chronique de Don Pedro Niño, comte de Buelna de Gutierre Diaz de Games (1436)
21. Chronique du Mont-Saint-Michel – suite (1437 – 1439)
22. Jean Juvenal Des Ursins, Loquar in tribulacione (1440)

23. De abbatibus Montis Sancti Michaelis in periculo maris (1441)
24. Chronique du Mont-Saint-Michel – suite (1440-1461)
25. Jean de Bueil, Le Jouvencel (1461)
26. Chronique du Mont-Saint-Michel – suite (1462-1465)
27. Jean de Roye, Chronique scandaleuse (1479)

Revelatio ecclesiae sancti Michaelis archangeli in Monte Tumba (première moitié du IXe siècle)

« [L]a Revelatio est constituée de deux ensembles différents : la première partie présente une justification à la fois théologique et historique de la fondation d’un sanctuaire dédié à saint Michel sur le Mont Tombe, tandis que la seconde reprend un récit antérieur, oral ou écrit, relatant en détail les péripéties de la construction du sanctuaire par un évêque d’Avranches, du nom d’Aubert, après que celui-ci en eut reçu l’ordre par trois interventions de l’archange » (P. Bouet, O. Desbordes).

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/revelatio_lat.xml/LATrev.1.1

Introductio monachorum (1080-1095)

« L’Introductio monachorum rapporte comment le duc Richard Ier établit des moines bénédictins sur le Mont vers 965-966 » (P. Bouet, O. Desbordes).

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/introductio_lat.xml/LATintro.1.1

De translatione beati Autberti (1080-1095)

« Le De translatione et miraculis beati Autberti est un court opuscule qui relate de quelle manière furent redécouverts, au début du XIe siècle, dans la cellule du chanoine Bernier, les ossements qui furent aussitôt considérés comme ceux du bienheureux Aubert. Il s’agit plus précisément d’une inventio des reliques et d’une translatio de la cellule à l’intérieur de l’église abbatiale, auxquelles l’auteur ajoute deux miracles insignes accomplis par le saint fondateur » (P. Bouet, O. Desbordes).

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/translatione_lat.xml/LATtrans.1.1

Miracula sancti Michaelis (1080-1095)

« Les Miracula sancti Michaelis présentent les prodiges attribués à l’archange des origines jusqu’en 1050 […] Il s’agit le plus souvent de châtiments infligés par saint Michel à des humains qui se sont rendus coupables d’une offense faite à Dieu ou à lui-même : comportement irrespectueux à l’égard des reliques ou de l’autel de l’archange, violation de l’espace sacré du sanctuaire réservé la nuit aux esprits célestes, oubli des engagements à son égard. Mais le miracle le plus célèbre est celui de la jeune femme qui, revenant du Mont, accouche sur la grève à la marée montante et qui est sauvée par l’intervention de saint Michel » (P. Bouet, O. Desbordes).

I. Du clerc qui, par une audace inconsidérée, voulut examiner les saintes reliques

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.1

II. De quel châtiment fut frappé celui qui eut l’impudence de passer la nuit dans la sainte église

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.2

III. De la découverte des saintes reliques

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.3

IV. Comment Norgod, évêque d’Avranches, vit le Mont Saint-Michel être pour ainsi dire la proie des flammes

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.4

V. De la femme qui ne pouvait monter au sanctuaire Saint-Michel

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.5

VI. Du pèlerin qui sans autorisation emporta une pierre de cet endroit

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.6

VII. De la femme qui accoucha au milieu de la mer

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.7

VIII. Du gardien du sanctuaire frappé par la volonté divine

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.8

IX. Des moines qui furent châtiés en ce lieu par un feu céleste 

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.9

X. Miracle

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir.1.10

Baudri de Dol, De scuto et gladio(1112-1114)

« Le De scuto et gladio sancti Michaelis de Baudri de Dol est une légende que l’archevêque de Dol recueillit au début du XIIe siècle de la bouche d’un prieur du Mont à propos de la présence d’un bouclier et d’une épée de petites dimensions, considérés comme les armes symboliques de saint Michel » (P. Bouet, O. Desbordes).

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/baudri_lat.xml/LATbaudri.1.1

Chanson de Roland (vers 1125)

Ayant réussi à conquérir presque toute l’Espagne, Charlemagne s’apprête à rentrer en douce France. Marsile, le roi de Saragosse, dernier à résister, lui assure que lui aussi se rend…

Laisse X (v. 142-156)

Quant se redrecet, mult par out fier lu vis.

Dist as messages : « Vus avez mult ben dit.

Li reis Marsilies est mult mis enemis :

De cez paroles que vos avez ci dit,

En quel mesure en purrai estre fiz ? »

« Voelt par hostages, ço dist li Sarrazins,

Dunt vos avrez u dis u quinze u vint.

Par num de ocire i metrai un mien filz,

E si n avrez, ço quid, de plus gentilz.

Quant vus serez el palais seignurill,

A la grant feste seint Michel del Peril,

Mis avoëz la vos sivrat, ço dit.

Enz en voz bainz que Deus pur vos i fist,

La vuldrat il chrestïens devenir. »

Charles respunt : « Uncore purrat guarri. »

La Chanson de Roland,

Droz, 2003, p. 100-101

Quand l’empereur se redressa, très fier était son visage.

Il dit aux messagers : “Vous avez fort bien dit.

Le roi Marsile est fort mon ennemi :

de ces paroles que vous avez ci dites,

en quelle mesure pourrai-je être assuré ?

– Par des otages, lui dit le Sarrasin,

dont vous aurez ou dix ou quinze ou vingt.

sous peine de mort j’y mettrai un mien fils,

et en aurez, je crois, de plus nobles encore.

Quand vous serez au palais impérial,

à la grand’fête de Saint Michel du Péril,

celui qui m’envoie vous rejoindra là, il le dit.

Là, dans vos bains que Dieu pour vous y fit,

là il voudra chrétien devenir. »

Charles répond : « Il pourra encore être sauvé. »

Poètes et Romanciers du Moyen Age,

Gallimard, « La Pléiade », 1952, p. 26-27.

Par traîtrise, Marsile attaque l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne au moment où celle-ci, avec à sa tête Roland, le neveu de l’empereur, passe le col de Roncevaux. Une terrible bataille a lieu.

Laisse CX (v. 1417-1437)

Moerent paien a millers e a cent :

Ki ne s’en fuit, de mort n’i ad guarent ;

Voillet o nun, tut i laisset sun tens.

Franceis i perdent lor meillors guarnemenz ;

Ne reverrunt lor peres ne parenz,

Ne Carlemagne, ki as porz les atent.

En France en ad mult merveillus torment :

Orez i ad de tuneire e de vent,

Pluie e gresilz desmesureement ;

Chiedent i fuildres e menut e suvent,

E terremoete ço i ad veirement :

De Seint Michel del Peril josqu’as Seinz,

Des Besençun tresqu’as porz de Guitsand,

Nen ad recét dunt li murs ne cravent.

Cuntre midi tenebres i ad granz ;

N’i ad clartét, se li ciels nen i fent.

Hume ne l veit ki mult ne s’espoent.

Dïent plusor : « Ço est li definement,

La fin del secle, ki nus est en present ».

Il ne lE sevent, ne dïent veir nïent :

Ço est li dulors por la mort de Rollant.

La Chanson de Roland,

Droz, 2003, p. 164-165.

Les païens meurent à milliers et à cents :

qui ne s’enfuit, n’a contre la mort de défense :

bon gré mal gré, il y finit son temps.

Mais les Français y perdent leurs meilleurs défenseurs.

Ils ne reverront pères ni parents,

ni Charlemagne qui aux ports les attend.

En France il y a une étrange tourmente :

c’est un orage de tonnerre et de vent,

pluies et grêles, démesurément ;

tombe la foudre et menu et souvent,

et tremblement de terre il y a vraiment.

De Saint-Michel du Péril jusqu’à Sens,

De Besançon jusqu’au port de Wissant,

il n’est maison où quelque pan ne croule.

Malgré midi il y a grandes ténèbres,

pas de clarté, si le ciel ne se fend.

Nul ne le voit qui ne s’en épouvante.

Beaucoup disent : « C’est la fin de tout,

la fin du monde qui se présente à nous. »

Ils ne le savent et ne disent pas vrai :

c’est le grand deuil pour la mort de Roland.

Poètes et Romanciers du Moyen Age,

Gallimard, « La Pléiade », 1952, p. 59.

Non sans avoir soufflé dans son cor pour appeler à la rescousse Charlemagne, Roland rend l’âme…

Laisse CLXXVI (v. 2382-2396)

Mais lui meïsme ne volt mettre en ubli,

Cleimet sa culpe, si prïet Deu mercit :

« Veire Paterne, ki unkes ne mentis,

Seint Lazaron de mort resurrexis

E Danïel des leons guaresis,

Guaris de mei l’anme de tuz perilz

Pur les pecchez quë en ma vie fis ! »

Sun destre guant a Deu en puroffrit :

Seint Gabrïel de sa main l’ad pris.

Desur sun braz teneit le chef enclin ;

Juntes ses mains est alét a sa fin.

Deus li tramist sun angle Cherubin

E seint Michel de la Mer del Peril ;

Ensembl’od els sent Gabrïel i vint :

L’anme del cunte portent en pareïs.

La Chanson de Roland,

Droz, 2003, p. 212-213

Mais son âme même il ne veut oublier,

il bat sa coulpe, demande à Dieu merci :

« Père véritable, qui onques ne mentis,

qui saint Lazare de mort ressuscitas

et Daniel des lions défendis,

défends mon âme de tous les périls

pour les péchés que j’ai faits en ma vie. »

Son dextre gant à Dieu il tendit ;

saint Gabriel de sa main l’a pris.

Sur son bras il tenait la tête inclinée ;

Mains jointes il est allé à sa fin.

Dieu envoya son ange Chérubin

et saint Michel du Péril,

et avec eux saint Gabriel y vint.

L’âme du comte ils portent en paradis.

Poètes et Romanciers du Moyen Age,

Gallimard, « La Pléiade », 1952, p. 83.

Le Couronnement de Louis (1130)

Après avoir couronné Louis, le jeune fils de Charlemagne, Guillaume tue le géant Corsolt, non sans avoir perdu dans le combat un bout de son nez et gagné par la même occasion le surnom de « Guillaume au court nez ». Par la suite, il protège le jeune Louis qui est menacé par une rébellion dont un des instigateurs est le duc Richard de Normandie puis il part affronter le terrible Gui l’Allemand qui assiège Rome.

LI

v. 2044-2061

Li cuens Guillelmes al Cort Nes li guerriers

Vers dolce France pense de chevalchier ;

Mais en Peitou laissa des chevaliers

Es forteresses et es chastels pleniers ;

Dous cenz en meine molt bien apareilliez,

Tote Bretaigne comence a costeier ;

Onc ne fina tresqu’al mont Saint Michiel.

Dous jorz sejorne, puis s’en parti al tierz,

Par Costentin s’en prist a repairier.

De ses jornees ne vos sai anoncier :

Tresqu’a Roem ne se volt atargier,

El maistre borc s’est li cuens herbergiez,

Mais d’une chose fait il molt que legiers,

Que par la terre al duc Richart le vieil

Osa onc puis errer ne chevalchier

Qu’il li tua son fill al grant levier ;

Mais la se fie li gentilz chevaliers

Que il se furent acordé et paié

Editée par E. Langlois

Honoré Champion, Paris, 2013

LI

v. 2044-2061

Le comte Guillaume au court nez le belliqueux

se hâte alors de chevaucher vers la douce France,

mais il laisse en Poitou des chevaliers

dans les forteresses et dans les grands châteaux ;

il en prend avec lui deux cents, très bien équipés,

et commence à longer toute la Bretagne ;

il ne s’arrête qu’au Mont Saint-Michel,

Il y séjourne deux jours et s’en va le troisième ;

Il prend le chemin du retour en passant par le Cotentin ;

de ses étapes quotidiennes je ne sais rien vous dire ;

jusqu’à Rouen il ne veut pas s’attarder.

Le comte se loge dans le principal quartier

mais sur un point il agit avec beaucoup de légèreté :

il ne craint pas de passer et chevaucher

à travers la seigneurie du vieux duc Richard

dont il avait tué le fils avec un grand pieu.

Le noble chevalier se fie sur leur réconciliation

et la paix qu’ils avaient faite.

Traduits en français moderne par A. Lanly

Honoré Champion, Paris, 2013

Geoffroy de Monmouth, Historia Regum Britanniae (1135)

Parchemin, [1]-114 f., 305 x 205 mm
Douai, bibliothèque municipale, ms. 880 (f. 66 v°)© BM de Douai, cl. D. Lefebvre
http://expositions.bnf.fr/arthur/grand/011.htm

« L’Historia Regum Britanniae retrace l’histoire des rois bretons depuis l’origine, c’est-à-dire Brutus – arrière-petit-fils d’Enée qui, parti de Troie, arrive après maints périples en Angleterre alors appelée Albion puis de son nom Bretagne – jusqu’à Cadvalladr, en passant par l’illustre roi Arthur » (L. Mathey-Maille, « Introduction », G. de Monmouth, Histoire des Rois de Bretagne, Les Belles Lettres, Paris, 2019, p. 9-10). Outre les circonstances de la naissance de ce dernier, on a droit aux récits de son couronnement, à ses luttes contre les Saxons et à sa conquête de la France. Mais, bientôt, le Romain Lucius Hiberius dresse contre lui une immense armée…

164. Ils préparèrent tout le nécessaire et prirent le chemin de la Bretagne au début des calendes d’août. Ayant appris leur arrivée, le roi Arthur confia la garde du pays à son neveu Mordred et à la reine Guenièvre ; quant à lui, il se rendit avec son armée à Southampton où il prit la mer par des vents favorables. Or, tandis qu’entouré d’innombrables vaisseaux, il naviguait agréablement, heureux de sillonner les flots du grand large, il sombra vers minuit dans un très profond sommeil. Endormi, Arthur vit en songe un ours volant dans les airs et dont les grognements faisaient trembler tous les rivages ; il vit aussi voler, venu d’Occident, un dragon terrifiant qui éclairait le pays par l’éclat de ses yeux. Les deux animaux se rencontrèrent et un remarquable combat s’engagea entre eux. Mais le dragon qui attaquait l’ours sans relâche et crachait des flammes, brûla ce dernier et jeta à terre son corps consumé. A son réveil, Arthur raconta aux personnes de son entourage le rêve qu’il avait fait. Elles l’interprétèrent en disant que le dragon représentait Arthur et l’ours quelque géant qu’il combattrait ; leur lutte annonçait la bataille qu’ils livreraient et la victoire du dragon présageait celle du roi. Pourtant Arthur donnait une autre explication ; pour lui un tel songe concernait sa propre personne et celle de l’empereur. Ils débarquèrent finalement au port de Barfleur, au moment où l’aurore chassait la nuit et colorait l’horizon. Ils plantèrent aussitôt leurs tentes et attendirent sur place la venue des rois insulaires et des chefs des provinces voisines.

165. Entre-temps, Arthur apprit qu’un géant d’une taille extraordinaire, venu d’Espagne, avait enlevé à ses gardiens Hélène, la nièce du duc Hoel, et s’était enfui avec elle au sommet d’un mont aujourd’hui appelé mont Saint-Michel ; des chevaliers l’avaient poursuivi mais sans rien pouvoir faire contre lui. En effet, que l’attaque vînt de la terre ou de la mer, le géant tuait ses assaillants à l’aide d’armes les plus diverses ou il écrasait leurs navires sous d’énormes pierres. Et il capturait de nombreux hommes qu’il dévorait à moitié morts. La nuit suivante, à la deuxième heure, Arthur emmena avec lui son sénéchal Kai et son échanson Beduer ; il quitta les tentes à l’insu de ses autres compagnons et prit le chemin du mont. Il était doté d’un tel courage qu’il n’avait pas estimé utile de s’avancer à la tête d’une armée pour affronter des monstres de ce genre, car d’une part, il se sentait suffisamment fort pour les anéantir seul et d’autre part, il stimulait ses hommes en agissant ainsi. Lorsqu’ils furent proches du mont, ils aperçurent un bûcher qui brûlait à son sommet et un ature sur un faîte plus petit, peu éloigné du premier. Ne sachant pas d’emblée sur lequel des deux habitait le géant, ils envoyèrent Beduer en reconnaissance. Celui-ci découvrit un petit bateau dans lequel il navigua en direction du mont le moins élevé, qui était inaccessible autrement car il plongeait dans la mer. Tandis qu’il entreprenait l’ascension, Beduer entendit, venus d’en haut, les cris de lamentation d’une femme, qui le terrifièrent sur le moment car il ne savait pas si le monstre était là. Très vite, il retrouva son audace : il tira son épée du fourreau et, parvenu au sommet, ne découvrit rien d’autre que le bûcher qu’il avait vu de loin. Il aperçut aussi un tombeau récemment élevé et à côté, une vieille femme éplorée et gémissante. Lorsqu’elle vit Beduer, elle cessa aussitôt de pleurer et s’adressa à lui en ces termes : « O homme infortuné, quel malheur t’a conduit dans ce lieu ? O tourments indescriptibles de la mort qu’il te faudra subir ! J’ai pitié de toi, j’ai pitié car ce monstre si abominable détruira cette nuit la fleur de ta jeunesse. Ce géant des plus funestes, honni soit son nom, va venir. C’est lui qui a amené sur cette montagne la nièce du duc, avec moi, sa nourrice, et elle vient tout juste d’être ensevelie par mes soins. C’est lui, qui, bientôt, t’accablera d’une mort sans exemple. O funeste sort : tandis que cette abominable créature serrait dans ses bras mon enfant si pure, la peur s’empara de sa très frêle poitrine et elle finit là une vie qui méritait d’être plus longue. Alors, comme il ne pouvait plus souiller par son contact repoussant cette enfant qui était mon second souffle, ma seconde vie, ma joie et mon plaisir, il a assouvi le méprisable désir dont il brûlait en me faisant violence contre mon gré, j’en prends à témoin Dieu et ma vieillesse. Fuis, mon ami, fuis afin que, s’il vient comme à son habitude satisfaire son plaisir avec moi, il ne te découvre pas ici et ne te mette pas en pièces en te massacrant misérablement. » Touché autant qu’un être humain peut l’être, Beuder apaisa la vieille femme par des paroles amicales puis, lui ayant promis le réconfort d’une aide rapide, il retourna auprès d’Arthur à qui il rapporta tout ce qu’il avait découvert. Arthur déplora le sort malheureux de la jeune fille et donna l’ordre à ses compagnons de le laisser attaquer seul le monstre tout en se tenant prêts, en cas de besoin, à lui porter secours et à donner courageusement l’assaut. Ils dirigèrent alors leurs pas vers le plus élevé des monts, laissèrent leurs chevaux aux écuyers et entreprirent l’ascension, Arthur en tête. Le monstre se tenait auprès, la bouche barbouillée de sang de porcs à moitié dévorés, dont il avait avalé une partie et dont il rôtissait le reste sur des broches placées sous la braise. Dès qu’il aperçut nos héros, n’ayant rien prévu de tel, il se hâta de saisir sa massue que deux jeunes gens auraient eu peine à soulever de terre. Le roi tira son épée du fourreau, tendit son bouclier en avant et se précipita aussi vite que possible pour devancer le géant et l’empêcher de prendre sa massue. Mais ce dernier, tout à fait conscient des intentions d’Arthur, s’en était déjà emparé et il frappa avec une telle force sur le bouclier du roi que le coup résonna : tous les rivages en retentirent et les oreilles d’Arthur furent complètement assourdies. Toutefois, enflammé par une violente colère, le roi brandit son épée contre le front du géant, qu’il blessa sans le toucher à mort, mais le sang qui coulait sur sa face et ses yeux le rendait aveugle. Le monstre avait en effet paré le coup avec sa massue, protégeant ainsi son front d’une blessure mortelle. Aveuglé par le flux du sang, il se dressa très brusquement, et comme le sanglier se précipite sur le chasseur en dépit de l’épieu, de même il se rua sur le roi et son épée puis, saisissant son adversaire à bras le corps, l’obligea à plier les genoux jusqu’à terre. Rassemblant ses forces, Arthur se dégagea promptement ; vif comme l’éclair, il frappait violemmeent le monstre de son épée, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre et n’eut de cesse qu’il ne lui portât une blessure mortelle, en lui fendant la tête de son glaive, là où le crâne protège le cerveau. L’horrible créature poussa un cri et, comme un chêne déraciné par des vents puissants, il s’écroula dans un fracas terrible. Aussitôt, le roi éclata de rire et ordonna à Beduer de trancher la tête du géant et de la donner à l’un des écuyers pour l’apporter au camp et l’exposer en spectacle aux yeux de tous. Arthur affirma qu’il n’avait pas rencontré pareille force depuis le jour où il avait tué, sur le mont Aravius, le géant Rithon qui l’avait incité au combat. C’est ce Rithon qui s’était confectionné des fourrures avec les barbes des rois qu’il avait tués. Il avait fait dire à Arthur de couper soigneusement sa barbe puis de la lui envoyer et, comme le roi Arthur l’emportait sur les autres rois, il placerait, en son honneur, sa barbe au-dessus des autres. En cas de refus, il le provoquerait au combat : le plus fort emporterait les fourrures et la barbe du vaincu. La lutte fut engagée et Arthur remporta la victoire : il prit la barbe du géant et s’empara du trophée. Depuis ce jour, comme il venait de le souligner, il n’avait rencontré personne de plus fort que Rithon. Au moment où le jour chassait la nuit, nos trois héros victorieux regagnèrent leurs tentes avec la tête du géant ; tous les hommes accouraient par groupes pour l’admirer et ils couvraient de louanges celui qui avait libéré le pays d’un tel monstre. Affligé par le sort de sa nièce, Hoel donna l’ordre d’édifier une basilique à l’emplacement où gisait son corps, sur le mont qui, en souvenir du tombeau de la jeune fille, porte jusqu’à ce jour le nom de « Tombe d’Hélène ».

Geoffroy de Monmouth, Histoire des Rois de Bretagne,

Les Belles Lettres, Paris, 2019, p. 230-235.

« De quodam homine contracto ante altare sancti Michaelis pristinae sanitati restituto » (après 1146)

Récit d’une guérison miraculeuse survenue en 1146 à un habitant de Fougères.

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/chroniqueslatines/consult/msBoued/miracula_lat.xml/LATmir11.1.1

La Chanson de Guillaume (1150)

« Le héros qui vient de subir une grave défaite à Larchamp, exprime le désir de se faire moine ou ermite. Mais Guibourc l’en dissuade en lui disant qu’il faut d’abord accomplir son devoir dans le siècle » (Pierre Chastang, « De saint Guilhem à Guillaume d’Orange », Entre histoire et épopée. Guillaume d’Orange, CNRS, Université de Toulouse-Le-Mirail, « Méridiennes », 2006, p. 226).

v. 2400-2427

CXLVII

« Oh ! bone sale, cum estes lungue et lee !

De totes parz vus vei si aurnee !

Buer seit la dame qui si t’ad conreiee !

Oh ! haltes tables, cum vus estes levees !

Napes de lin vei desur vus getees,

Ces escueles emplies et rasees…

N’i mangerunt li fil de franches meres,

Qui en Larchamp unt les testes colpees. »

Plure Willames, et Guiburc s’est pasmee ;

Il la redresce, si l’ad reconfortee :

CXLVIII

« Dame Guiburc, vus n’avez que plurer,

Ke n’i avez perdu ami charnel.

Jo dei le duel e la tristur mener,

K’i ai perdu mun gentil parenté.

Ore m’en fuirai en estrange regné,

A Saint Michel al Péril de la mer,

U a saint Pere, le bon apostre Deu,

U en un guast u ne seie trovez :

La devendrai hermites ordenez,

Devien nonein, si fai tun chef veler.

– Sire, » dist ele, « ço ferum nus assez,

Quant nus avrom nostre siecle mené.

CXLIX

« Sire Willames, al Dampnedeu congié

Par main a l’able munte sur tun destrer.

Dreit a Loün pense de chevalcher

A l’emperere qui nus solt avier chiers,

Que del sours nus vienge ça aider,

E, s’il nel fait, si li rendez sun fié »

J. Bédier, Les légendes épiques : recherches sur la formation des chansons de geste.

Vol. 1, Le cycle de Guillaume d’Orange

Honoré, Champion, Paris, 1908, p. 87.

gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k42216236/f115

Wace, Roman de Brut (1150-1155)

Dédié à Aliénor d’Aquitaine, le Roman de Brut conforte le pouvoir d’Henri II Plantagenêt en le dotant d’une ascendance mythique qui en fait le continuateur direct d’Enée et de son petit-fils Brutus de Troie. Dans cette lignée, on retrouve aussi le roi Arthur et une paraphrase en ancien français des péripéties racontées par Geoffroy de Monmouth dans son Histoire des Rois de Bretagne (Pour une traduction en français moderne, cf. ci-dessus : Monmouth, Histoire des Rois de Bretagne).

Vers 11 522 – 12 009

Li gent Artur a joie aloient,

Bon vent avoient, bien sigloient,

A mie nuit par mer coroient,

Vers Barbeflue lor cors tenoient ;

Et Artus prist à somillier,

Endormi soi, ne pot vellier.

Vis li fu, là où il dormoit,

Que en haut l’air un ors avoit,

Devers oriant avolant,

Qui mult avoit lait cors et grant,

Mult estoit d’orible façon.

D’autre part avoit un dragon

Qui devers ocidant voloit,

Et de ses eles flambe jetoit ;

De lui et de sa resplendor

Luisoi terre et li mer entor.

Li dragons l’ours envaïssoit

Et ils forment se desfendoit ;

Mais li dragons l’ours enversoit,

Et à terre le craventoit.

Quant Artus ot un poi dormi

Del songe qu’il vit s’esperi,

Esvilla soi, si se dreça :

As clers et as Bretons conta

Tot en ordre la vision

Qu’il vit de l’ours et del dragon.

Alquant d’aus li ont respondu

Que li dragons qu’il ot véu

Estoit de lui sénéfiance

Et li ors estoit demostrance

D’aucuns gaiant qu’il ociroit,

Qui d’estrange terre venroit ;

Li altre d’autre guise esponent,

Nequedant tot à bien li tornent ;

Ains est, dist-il, ce m’est viaire,

La guerre que nous devons faire

Entre moi et l’emperéor,

Mais del tot soit el criator.

A ces paroles ajorna,

Et li solax matin leva.

Al port vinrent assés matin

A Barbefloe, en Costentin.

Isnelement des nés issirent ;

Par la contrée s’espandirent ;

Ses gens a Artus atendues

Qui n’erent pas encor venues.

N’avoit mie mult atandu

Quant il oï et dit li fu

Que uns gaians mult corporus

Ert devers Espaigne venus ;

Nièce Hoël Hélaine ot prise,

Ravie l’ot, el mont l’ot mise

Que l’on or Saint Miciel apèle ;

N’i avoit mostier, ne capèle,

Del fluet del mer montant ert clos.

N’avoit home el païs si os,

Ne bacelier, ne païsant

Si orgillos, ne si prisant,

Qui s’osast al gaiant combatre,

Ne là où il estoit embatre.

Quant cil del païs s’asambloient,

Et por combatre al mont aloient

Souvent par mer et par la terre,

Ne li ert gaires de lour guerre :

A roces lor nés dépeçoit,

Tos les ocioit et noioit.

Tuit l’avoient laié ester,

Ne l’osoient mais abiter.

Mult véissiés as païsans

Maisons vuidier, porter enfans,

Femes mener, bestes cachier,

Es mons monter, es bois muchier.

Par bois et par désers fuioient,

Et encor là morir quidoient.

Toute estoit la terre guerpie,

Toute s’en ert la gent fuïe.

Li jaians ot non Dinabuc

Que puisse prendre mal trebuc :

Quant Artus en oï parler,

Kex apela et Beduier,

Ses senescax fut li premiers

Et li autres ses botilliers ;

Ne vaut parler à nul altre home.

Cele nuit s’em part de prinsome ;

Ne voloit ost od soi mener,

Ne cist afaire à toz monstrer ;

Ne quidoit se il le séussent,

Que del jaiant pooir éussent.

Et il ert tex et tant valoit

Qu’à lui destruire sofissoit.

Tote nuit ont tant cevalcié

Et esperoné et brocié,

Par matin vinrent al rivage,

Là ou il virent le passage ;

Sor le mont virent fu ardoir,

De loin li pooit on véoir,

Un altre mont i ot menour

Qui n’ert mie loins del grignour.

En cascuns avoit fu ardant ;

Por ce aloit Artus dotant

En quel lius li gaians estoit,

Et el quel mont le troveroit ;

N’i ot qui dire li séust,

Ne qui le jor véu l’éust.

A Beoder dist qu’il alast

Et l’un et l’autre mont cherqast,

Tant le quérist qu’il le trovast,

Et puis venist, si li nonçast.

Cil est en un batel entrés,

Al plus proçain mont est alés,

N’i pooit altrement aler,

Car plains estoit li flos de mer.

Com fu venus al mont proçain

Et il montoit le halt terrain,

Si com il ot le mont monté

Un seul petit a escouté :

El mont oï grans ploréis

Et grans sospirs et mult hals cris ;

Paor ot, si prist à frémir,

Car le gaiant cuida oïr.

Mais semprès se raséura,

S’espée traist, avant ala.

Recovré ot son hardiment,

En pensé ot et en talent

Que al gaiant se combatroit,

En aventure se metroit,

Et dist que por perdre la vie

Ne vouroit faire couardie.

Mais cel pensé ot il en vain,

Qar qant il vint sus al terrain,

Un feu ardant vit solement

Et un tombel fait novelment,

La tombe estoit novelment faite.

Li quens i vint l’espée traite,

Une vielle feme a trovée,

Ses dras desrons, escavelée ;

Dejoste le tombel gisoit,

Mult se plaignoit et dol menoit ;

Helaine souvent regretoit,

Grant doeil faisoit, grant cris jetoit.

Qant ele a Béduier véu :

Caitis, fait-ele, qui es tu ?

Quels mesaventure te maine ?

A honte, à dolour et à paine

T’estuet hui ta vie finer,

Se li gaians te puet trover.

Maleureus, fui, tien ta voie

Ançois que li gaians te voie ;

Ançois que li gaians te voie ;

Car s’il te voi, jà i morras,

Jà de la mort n’escaperas.

Bone fame, dist Bedoer,

Parole à moi, lai le plorer,

Di moi qui es, et por qoi plores ?

En ceste ille porqoi demores ?

Qui gist en ceste sépulture ?

Conte moi tote t’aventure.

Jo sui, dist-ele, une esgarée,

Une lasse maléurée,

Ci plor por une damisele

Que jo norri à ma mamele ;

Helaine ot non, nièce Hoel,

Ci gist li cors en cest tombel.

A norir me fu commandée ;

Lasse ! por coi me fu livrée ?

Lasse ! por coi l’ai je norrie,

Quant uns déables l’a ravie !

Uns gaians moi et li ravi

Et moi et li aporta ci :

La pucele valt por gésir,

Mais tendre fu, ne l’pot soffrir :

Ele fu jouene et il fu grans,

Les os avoit gros et pesans ;

Ne l’pot Elaine sostenir,

L’ame li fist del cors partir.

Lasse ! caitive, ma dolcor,

Ma joie, mon déduit, m’amour,

A li gaians à honte ocise,

Et jo l’ai ci en terre mise.

Por coi, dist li quens, ne t’en vas,

Quant tu Hélaine perdu as ?

Vels tu, dist-ele, oïr por coi ?

Gentil home et cortois te voi,

Por ce t’en ferai celée :

Quant Elaine fut deviée

Que il féist à honte morir

Dont je quidai del sens issir,

Morir la vi à grant dolour,

Dont j’ai au cuer mult grant irour,

Li gaians me fist ci remaindre

Pour sa luxure en moi refraindre ;

Par force m’a ci retenue,

Et par force m’a porjéue.

Sa force m’estuet otroier,

Ne li puis mie desforchier ;

Ne le fas mie de mon gré,

Mais encontre ma volenté ;

Petit s’an falt qu’il ne m’a morte,

Mais plus sui vielle plus sui forte,

Et plus sui grant, et plus sui dure,

Et plus sui forte, et plus sui seure

Que ne fu damoiselle Hélaine.

Et nomporoc, s’en ai grant paine,

Trestot li cors de moi s’en delt ;

Et s’il vient ça, si com il selt,

Por sa luxure refrener

Ocis sera, sans demorer.

Là sus est en cel mont qi fume

S’emprès venra, c’est sa coustume ;

Fui t’en, amis, q’as-tu ci quis ?

Que tu ne soies entrepris.

Lai moi plorer et faire doel,

Morte fuisse pieça mon voel,

Mar vi d’Elaine l’amistie.

Dont en ot Beduier pitié ;

Mult doucement la conforta,

Dont la guerpi, si s’entorna.

Al roi vint, si li a conté

Ce qu’il a oï et trové ;

De la vielle qui doel faisoit,

Et d’Elaine qui morte estoit,

Et del gaiant qui conversoit

En cel plus grand mont qui fumoit.

D’Elaine fu Artus dolans,

Mais ne fu pas coars, ne lans.

Al flos retraiant de la mer

A fait ses compaignons armer ;

A forçor mont vinrent tantost

Comme la mer le mont desclost,

Lor palefrois et lor desfers

Commandèrent as escuiers.

Contre mont sunt alé tot troi,

Artus et Beduier et Koi :

Je irai, dist Artus, avant,

Si me combatrai al gaiant,

Vous venrés après moi, arière ;

Mais gardés bien que nus n’i fière

Tant com je me porai aidier,

Non jà, se jo n’en ai mestier,

Por moi aider ne vous mouvés,

Se grant essoine ne véés ;

Coardie resambleroit

Se nus fors moi s’i combatoit ;

Et nonporquant, se vous véés,

Mon besoing, si me socorés.

Cil ont ce qu’il dit otroié,

Puis ont tot trois le mont puié.

Li gaians al fu se séoit,

Et car de porc i rostissoit :

En espoi en quisoit partie

Et partie en carbon rostie ;

La barbe avoit et les guernons

Soillies de cendre et de carbons.

Artus le quida ains sosprandre,

Qu’il péust sa maçue prendre,

Mais li gaians Artur coisi,

Merveilla soi, en piés sailli,

Sa maçue a al col levée

Qui mult estoit grosse et qarée ;

Dui païsant ne la portaissent,

Et de terre ne la levaissent.

Artus le vit en piés ester,

Et de férir bien aprester ;

S’espée tint, l’escu leva,

Encontre le colp qu’il dota ;

Et li gaians tel li dona

Que tos li mons en résona

Et Artus tout en estona,

Mais fors fu, point ne cancela.

Artus senti le cop pesant ;

S’espée tint, leva le branc,

L’escu fu del cop empiriés,

Li rois le voit, mult fu iriés.

Le bra hauça et estendi,

Le gaiant sus el front féri.

Les deus sorcils li entama,

Li sans el front li avala ;

A icel colp ocis l’éust,

Jà recovrier n’i esteust ;

Quant li gaians a la maçue

Contre le colp en haut tenue.

Guenci le cief, et bien estut,

Et nequedant tel cop reçut

Que tout le vis ensanglenta,

Et la véue li torbla.

Quant il senti ses elx troublés

Dont fu esragiés et dervés :

Comme sanglés féru d’espie,

Que li cien ont assés cacie,

S’enbat contre le venéor,

To ensement, par grand iror,

Corut al roi si l’embraça,

Ainc por l’espée ne l’ laisa ;

Grans fu, parmi le cors le prist,

A jenoillons venir le fist ;

Mais Artus se resvigora,

En piés revint, si se dreça.

Artus fu forment aïrous,

Et merveilles engignous,

Coreciés fu et paor ot.

Si s’esforça, tant com il pot,

A soi traist, et de soi s’enpainst,

Grant vertu ot, point ne se fainst ;

En saillant, guenci de travers

De l’anemi s’est désaërs ;

Par grant vertu li escapa,

Ainc puis li jaians ne l’hapa.

Dès qu’il se fu de lui estors,

Et délivré senti son cors,

Mult fu isniax, entor ala,

Or ert de ça, or ert de là,

Od l’espée souvent ferrant.

Et cil aloit as mains tastant ;

Les els avoit si plains de sanc

Qu’il ne véoit ne noir ne blanc.

Tant aloit Artus guencisant,

Souvent derière, souvent devant,

Que d’Escalibor l’alemele

Lui embati en la cervele,

Traist et empainst, et cil caï ;

Par angoisse jetta un cri.

Tel escrois fist al caïement,

Comme chaisnes qui ciet par vent.

Dont commença Artus à rire ;

Adons fu trepassée s’ire,

De loins estut, si l’esgarda.

A son bouteiller commanda

Qu’al gaiant le cief trençast,

Et as escuiers le livrast

Et à l’ost la face porter,

Pour faire a mervelle agarder.

Ghil a fait son commandement ;

L’espée trait, le cief en print ;

Merveilles fu la teste grant

Et hideuse de cel jaiant :

Eu, a dist Artus, paor,

Ainc mais n’oï de gaiant forçor

Fors de Riton tant solement

Qui maint roi avoit fait dolent.

Riton avoit tant roi conquis

Et venqu et ocis et pris,

De lor barbes q’ot escorciés

Ot unes piax aparilliés ;

Piax en ot fait à afubler,

Mult devoit on Riton doter.

Par grant orgoil et par fierté,

Avoit al roi Artus mandé

Que la sine barbe escorçast

Et bonement li envoiast ;

Et si com il plus fors estoit,

Et il plus des altres valoit,

La soie barbe onoerroit,

Et à ses piax orlé feroit.

Et se Artus contredisoit

Ce que Riton li requerroit,

Cors à cors ensamble venissent,

Et sol à sol se combatissent ;

Et li quels qui l’autre ociroit

Ou qui vif vaincre le poroit,

La barbe éust, préist les piax

Et féist un orlé et tassiax.

Artus à lui se conbati

El mont d’Araive si l’venqui ;

Les piax et la barbe escorça,

Onques puis Artus ne rova

Gaiant qui fust d’itel valor

Ne dont il éust tel paor.

Mais icist mult plus fort estoit,

Et mult graingnor vigor avoit

Que onques Riton n’en ost jor,

Quant il fust de graingnor vigor,

Et plus oribles et plus laiz,

Plus hisdos et plus contrefaiz,

Au jor que Artur le conquist

El mont St Michel où l’ocist.

Qant Artus a le monstre ocis

Et Beduier a le cief pris,

Joios d’iloc s’en retornèrent,

A l’ost vinrent, si s’atornèrent

Et content là il ont esté

Et ont à tos le cief mostré.

Hoel fu dolans de sa nièce

Et mult en fu triste grant pièce,

Por ce que si estoit périe.

De ma dame Sainte Marie

Fist faire el mont une capele

Que l’on or Tombe Elaine apele,

Por Elaine qui iloc jut

Tombe Elaine cest non reçut.

Wace, Le Roman de Brut, t. 2, E. Frère, Editeur, Rouen, 1838, p. 143-159.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6557576t/f154

Guillaume de Saint Pair, Le Roman du Mont Saint-Michel (1155)

« Le Roman du Mont Saint-Michel est l’adaptation poétique, rédigée en français du XIIe siècle, des chroniques latines de la fondation et des premiers temps du sanctuaire montois. Son auteur, Guillaume de Saint-Pair, est un jeune moine de l’abbaye qui utilise ce récit des origines pour défendre avec ardeur l’indépendance de sa communauté face au pouvoir du duc de Normandie et roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt » (C. Bougy).

Livre I :

. Introduction : l’auteur et son œuvre

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.1

. Aubert et le Mont Saint-Michel : un saint homme, un lieu cher à Dieu

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.2

. Aubert et saint Michel, la fondation du sanctuaire

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.3

. Aubert et saint Michel : la construction de l’église

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.4

. Le Mont Saint-Michel, ses paysages, ses marées, sa faune

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.5

. La quête des « reliques », des clercs normands au Mont Gargan

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.6

. Le retour des clercs, la dédicace du sanctuaire par Aubert ; douze chanoines au Mont Saint-Michel

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.7

. Le miracle de la source du Mont Saint-Michel

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.8

. La mort et l’enterrement d’Aubert ; les miracles du fondateur du sanctuaire

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre1_FR.xml/FR.1.9

Livre II :

. Rollon, un barbare transformé par le baptême

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.1

. Guillaume longue épée, un duc très chrétien

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.2

. Richard Ier face au roi de France, face aux chanoines du Mont Saint-Michel

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.3

. L’introduction des moines par le duc Richard Ier

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.4

. La lettre du roi Lothaire

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.5

. Le privilège du pape Jean XIII

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.6

. La question du choix de l’abbé

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.7

. Les dons de Richard II et de Robert le Magnifique à l’abbaye

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre2_FR.xml/FR.2.8

Livre III :

. Le chanoine et les reliques du Mont Gargan

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.1

. Un visiteur importun

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.2

. L’incendie du Mont Saint-Michel, le miracle des reliques perdues et retrouvées.

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.3

. La vision de l’évêque Norgot

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.4

. Saint Michel et la veuve indigne

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.5

. Le bouclier et l’épée de Saint Michel, d’après le De Scuto et Gladio de Baudri de Bourgueil, évêque de Dol

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.6

. Le miracle des grèves

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.7

. La courtoisie du saint

https://www.unicaen.fr/services/puc/sources/gsp/consult/GSP/livre3_FR.xml/FR.3.8

Marie de France, « Milon », Lais (1180)

Pendant plus de vingt ans, Milon, un chevalier gallois qui a eu un fils illégitime, continue de correspondre en cachette avec sa bien-aimée. Pour ce faire, il se sert d’un cygne dans les plumes duquel il cache ses messages amoureux. Apprenant qu’en France, un jeune chevalier multiplie les exploits, il décide de traverser la mer pour aller l’affronter et ensuite chercher son fils dont il ignore le sort.

v. 365-448

Quant ele oï sa volenté,

mercie l’en, si li sot gre,

quant pur lur fiz trover e querre

voleit eissir fors de la terre

e pur le bien de lui mustrer ;

nel voleit mie desturber.

Milun oï le mandement .

Il s’ aparaille richement.

En Normendie est passez ;

puis est desqu’en Bretaigne alez.

Mult s’aquointa a plusurs genz,

mult cercha les turneiemenz ;

riches ostels teneit sovent

e si dunot curteisement.

Tut un yver, ceo m’est a vis,

conversa Milun el païs.

Plusurs bons chevaliers retint,

de si qu’aprés la paske vint,

qu’il recumencent les turneiz

e les guerres e les desreiz.

Al Munt Seint Michiel s’asemblerent ;

Norman e Bretun i alerent

e li Flamenc e li Franceis ;

mes n’i ot guaires des Engleis.

Milun i est alez primiers,

ki mult esteit hardiz e fiers.

Le bon chevalier demanda.

Asez i ot ki li mustra

de quel part il esteit venuz

e ses armes e ses escuz,

Tuit l’orent a Milun mustré,

e il l’aveit bien esgardé.

Li turneiemenz s’asembla.

Ki juste quist, tost la trova ;

ki alkes volt les rens cerchier,

tost i pout perdre u guaaignier

en encuntrer un cumpaignun.

Tant vus vueil dire de Milun :

mult le fist bien en cel estur

e mult i fu preisiez le jur.

Mes li vaslez dunt jeo vus di

sur tuz les altres ot le cri,

ne s’i post nuls acumparer

de turneier ne de juster.

Milun le vit si cuntenir,

si bien puindre e si bien ferir :

parmi tut ceo qu’il l’enviot,

mult li fu bel et mult li plot.

El renç se met encuntre lui,

ensemble justerent amdui.

Milun le fiert si durement,

l’anste depiece veirement,

mes ne l’aveit mie abatu.

Cil raveit si Milun feru

que jus del cheval l’abati.

Desuz la ventaille choisi

la barbe e les chevels chanuz :

mult li pesa qu’il fu cheüz.

Par la resne le cheval prent,

devant lui le tient en present.

Puis li a dit : « Sire, muntez !

Mult sui dolenz e trespensez

que nul hume de vostre eage

deüsse faire tel ultrage. »

Milun salt sus, mult li fu bel :

el dei celui cunuist l’anel,

quant il li rendi sun cheval.

Il araisune le vassal.

« Amis », fet il, « a mei entent !

Pur amur Deu omnipotent,

di mei cument a nun tis pèee !

Cum as-tu nun ? Ki est ta mere ?

Saveir en vueil la vérité.

Mult ai veü, mult ai erré,

Mult ai cerchiees altres terres

par turneiemenz e par guerres :

unques par colp de chevalier

ne chaï mes de mun destrier !

Tu m’as abatu al juster :

a merveille te puis amer ! »

Cil li respunt : « Jo vus dirai

de mun pere tant cum jeo’n sai.

Jeo quid qu’il est de Guales nez

e si est Milun appelez.

La dame, apprenant ce projet,

le remercie et lui est reconnaissante

de vouloir quitter le pays

pour rechercher leur fils

et prouver sa propre valeur :

ce n’est pas elle qui le détourna ce cette entreprise.

Muni de cette réponse,

Milon en riche équipage,

traverse la mer jusqu’en Normandie

puis atteint la Bretagne.

Il se lie à de nombreux chevaliers,

participe à bien des tournois.

Il prodigue une hospitalité fastueuse

et distribue les dons avec courtoisie.

Tout un hiver, je crois,

Milon a séjourné dans le pays,

gardant auprès de lui un grand nombre de bons chevaliers

jusqu’au retour de Pâques,

quand recommencent les tournois,

les guerres et les affrontements.

A une assemblée au Mont-Saint-Michel

se rendent Normands et Bretons,

Flamands et Français ;

mais il n’y avait guère d’Anglais.

Milon s’y rend le premier,

Car il était hardi et fier.

Il demande le bon chevalier

et plus d’un lui montre

de quel côté il est allé,

lui désigne ses armes et ses boucliers.

Tous l’ont montré à Milon,

qui l’examine attentivement.

Les chevaliers se rassemblent pour le tournoi :

qui cherche la joute, a tôt fait de la trouver ;

qui veut parcourir les pistes,

peut aussi vite perdre que gagner

en rencontrant un adversaire.

De Milon je vous dirai seulement

qu’il s’est fort bien comporté dans cet assaut

et qu’il a reçu ce jour-là bien des compliments.

Mais le jeune homme dont je vous parle

l’a emporté sur tous les autres

et nul ne peut se comparer à lui

en matière de tournoi et de joute.

En le voyant ainsi se comporter,

s’élancer, frapper avec tant d’adresse,

Milon, tout en l’enviant,

ne pouvait s’empêcher de le regarder avec plaisir.

Il se présente au bout de la piste pour le rencontrer

et tous deux engagent le combat.

Milon le frappe si violemment

qu’il lui met en pièces la hampe de sa lance,

sans toutefois réussir à le désarçonner.

Mais l’autre, de son côté, l’a frappé si fort

qu’il l’a renversé de son cheval.

Sous la ventaille du casque, il aperçoit

la barbe et les cheveux blancs

et regrette d’avoir fait tomber son adversaire.

Il prend le cheval par les rênes

et le lui présente :

« Seigneur, dit-il, montez à cheval !

Je suis bien désolé

d’avoir dû infliger cette honte

à un homme de votre âge ! »

Milon saute à cheval avec joie :

au doigt du jeune homme, quand celui-ci lui a rendu son cheval

il a reconnu l’anneau.

Il se met à l’interroger.

« Ami, dit-il écoute-moi !

Pour l’amour de Dieu tout-puissant,

dis-moi le nom de ton père !

Quel est ton nom ? qui est ta mère ?

Je veux savoir la vérité.

J’ai beaucoup vu, beaucoup voyagé,

j’ai parcouru bien des terres étrangères

pour des tournois ou guerres :

jamais un chevalier

n’avait pu me faire tomber de mon cheval.

Tu m’as mis à terre dans cette joute :

tu mérites toute mon amitié ! »

Le jeune homme répond : « Je vous dirai

de mon père tout ce que j’en sais.

Je crois qu’il est du pays de Galles

et se nomme Milon […] »

Lais de Marie de France,

Traduits par L. Harf-Lancner, Le livre de poche, Librairie générale, 1990, p. 238-243.

Ami et Amile (vers 1200)

Dans cette chanson de geste, Ami et Amile, conçus et nés à la même heure à des kilomètres et des kilomètres de distance, se ressemblent à s’y méprendre. Lorsqu’enfin ils se rencontrent, ils deviennent les meilleurs amis du monde au point que pour sauver Amile d’un combat judiciaire où il ne peut que perdre, Ami commet un parjure en prenant sa place. Il sauve ainsi son ami mais Dieu le châtie en le frappant de la peste et en le condamnant à une longue errance qui l’amène au Mont, lieu où les « services » liés au transport coûtent déjà fort cher…

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V. 2602 – 2610

Garins et Haymmes furent prou et gentil,

Lor seignor mainnent par les amples païs ;

Jusqu’a Beorges passent lor droit chemin

Et d’iluec droit tornerent en Berri.

Mout tres chier tans trouverent el chemin,

Tout despendirent et le vair et le gris

Et enapréz le murlet arrabi.

Enmi lor voie treuvent un pelerin

Qui moult bien les adresce.

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V. 2611 – 2672

Garins et Haymmes apellent le paumier :

« Amis biax frere, séz noz tu conseillier

D’unne tel terre ou truisonz a mengier ?

– Oïl voir, sire, ce respont li paumiers,

Mais elle est loing, a celer nel voz quier.

Toute Bretaingne voz convient costoier

Selonc la mer jusqu’au Mont Saint Michiel.

La trouveréz un bon tans si plennier

Que quatre pains a on por un denier. »

Li serf l’entendent, joiant en sont et lié,

A la charrete s’ont prins a charroier,

L’uns trait devant, l’autres boute derrier.

Toute Bretaingne ont prins a costoier,

Toute la mer jusqu’au Mont Saint Michiel.

Iluec trouvarent les felons maronniers.

A la charrete s’est li cuens apuiiéz,

Il en apelle le maistre maronnier :

« Seignor, dist il, faitez pais, si m’oiéz.

Malades sui, si ai de bien mestier.

Por Deu de gloire voz voldroie proier

Qu’oultre ceste eve me feïssiez naigier. »

Et respondirent li felon maronnier :

« S’estiiéz ores sains et saus et entiers,

N’i passeriéz d’un mois trestout entier.

– Glouton, dist Haymmes, Dex confonde vos chiés !

Ce est uns cuens qu’ot ja mil chevaliers,

Noz sommez sien et des mains et des piés. »

Quant ce entendent li felon maronnier,

A la charrete sont trestuit apuiié.

Voient le conte, si l’en ont arraisnié :

« Gentiz hom sire, un noz en vendissiéz ! »

Li cuens l’oït, le sens cuide changier.

« Glouton, dist il, Dex confonde vos chiés !

Par tout le mont m’ont cist dui charroié

Et sans euls douz n’avroie je mestier.

– Sire, dist Haymmes, si feroiz par mon chief,

Que de sa chose se doit on bien aidier,

S’en doit on bien vendrë et engaigier. »

Maugré le voil Ami et s’amistié,

Se vendi Haymmes as felons maronniers

Cent mars d’argent ses en prinst volentiers,

Et pain et vin et poissons a mengier,

Et si les doivent oultre la mer naigier.

A Ami viennent sans point de delaier,

Enz en sa male li ferment les deniers,

Dedens la nef le firent charroier

Et li donnarent a boivre et a mengier.

Tendent les cordes, les voiles font drescier,

Li vens lor vient qui par vigor i fiert,

Ainsiz les mainne com l’aloe esprevier.

A tencier prinrent li felon maronnier

Et dist li maistres : « Miens sera li marchiés

De cel vassal qui le cors a legier. »

Et cil respondent : « De folie plaidiéz.

Noz en serons trestuit cinc parsonnier. »

Li maistres l’oit, le sens cuide changier ;

Lors s’entreprennent maintenant sans targier,

Grans cops se donnent de fuis et de leviers.

Li dui sont mort et li troi sont noié,

Si qu’en la barge remest Amis a pié,

Il et si home, lui dui serf droiturier.

Il ne sevent que faire.

Ami et Amile, Honoré Champion, Paris, 1987

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V. 2602 – 2610

Garin et Haymme, les deux serfs dévoués et généreux, mènent leur maître par les vastes contrées. Ils vont tout droit jusqu’à Bourges et de là se dirigent sans détour vers le Berry. Sur leur route ils trouvèrent la disette et furent contraints de vendre tout ce qu’ils possédaient, leurs fourrures, et, pour finir, le mulet arabe. Ils rencontrèrent sur leur route un pèlerin qui leur donna de précieux renseignements.

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V. 2611 – 2672

Garin et Haymme s’adressent au pèlerin : « Mon ami, mon frère, peux-tu nous indiquer une région où nous trouvions à manger ? – Bien sûr, mon ami, répond le pèlerin, mais je ne vous cacherai pas qu’elle est loin d’ici. Il vous faut longer toute la côte de Bretagne jusquau Mont Saint-Michel. Vous trouverez là-bas une telle abondance que l’on y a quatre pains pour un denier. » Ces mots comblèrent les deux serfs de joie. Ils reprennent leur route, transportant Ami dans la charrette : l’un la tire, l’autre la pousse. Ils longent toute la côte de Bretagne et parviennent au Mont Saint-Michel. C’est là qu’ils firent la rencontre d’infâmes marins. S’appuyant sur les ridelles de la charrette, Ami s’adressa à leur chef : « Seigneur, dit-il, écoutez-moi attentivement. Je suis malade et il me faut de quoi assurer ma subsistance. Par le Dieu de gloire, je vous prie de me faire traverser la mer. » Et les infâmes marins de répondre : « Même si vous étiez en parfait santé, il vous faudrait attendre un mois entier pour faire la traversée. – Canailles, dit Haymme, que Dieu vous anéantisse ! Vous avez devant vous un comte qui eut naguère mille chevaliers sous ses ordres. Et nous lui appartenons des pieds à la tête. » A ces mots, les marins se penchèrent tous sur la charrette et, s’adressant au comte, ils lui dirent : « Noble seigneur, vendez-nous donc l’un d’entre eux ! » A ces mots, le comte ne parvient à se dominer : « Canailles, dit-il, Dieu vous anéantisse ! Ces deux hommes m’ont transporté dans le monde entier, sans eux je ne pourrais rien faire – Seigneur, dit Haymme, acceptez, je vous en prie : il faut bien se servir de ce que l’on possède, il faut bien le vendre ou le mettre en gage. » Malgré Ami et l’amitié qu’il lui portait, Haymme se vendit aux infâmes marins : Ami reçut cent marcs d’argent qui furent les bienvenus, du pain, du vin et du poisson à manger ; et les marins s’engagèrent en outre à leur faire traverser la mer. Ils viennent sans tarder aurpès d’Ami, mettent l’argent dans sa malle, le font transporter sur le bateau et lui donnent à boire et à manger. Ils tendent les cordages, hissent les voiles qui se gonflent sous l’effet d’un vent vigoureux les menant comme l’épervier l’alouette. Mais une dispute éclate entre les infâmes marins. Leur chef dit : « C’est à moi que revient cet agile gaillard. » Et les autres de rétorquer : « Que dites-vous là ? Il nous appartient à tous les cinq. » A ces mots, le chef devient furieux. Une bagarre s’engage sur-le-champ, ils se donnent de grands coups de gourdins et de barres de fer. Deux d’entre eux meurent assommés, les trois autres noyés, si bien que seuls restent dans la barque Ami et ses compagnons, les deux serfs fidèles. Ils ne savent que faire.

Traduction en français moderne par

J. Blanchard et M. Quereuil

Honoré Champion, 2011

Gonzalo de Berceo, Milagros de Nuestra Señora (vers 1260)

Le poète castillan Gonzalo de Berceo reprend deux des miracles des Chroniques latines mais au lieu de mettre en scène saint Michel, c’est Marie qu’il fait intervenir.

« Miracle XIV », str. 317-329

http://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/milagros-de-nuestra-senora–1/html/fedb56be-82b1-11df-acc7-002185ce6064_4.html#I_19_

« Miracle XIX, str. 431-460 »

(Attention ! traduction à valider)

L’accouchement prodigieux

C’est un autre miracle que nous voulons vous raconter

Qui advint en d’autres temps en un port maritime.

Alors vous le pourrez comprendre et pourrez témoigner

Du pouvoir de Marie universel en tout lieu.

Vous pourrez comprendre aussi combien notre élogieuse Mère

En mer comme sur terre, toute puissante

Secourt sans tarder car elle est diligente

Et jamais homme n’imagina mère aussi charitable.

Au milieu d’une baie, Tombe la nommait-on.

Comme une île déposée aux abords du rivage,

La mer y faisait des allers et retours

Deux fois la journée et parfois trois.

Bien à l’intérieur de cette île, encerclée par les flots,

Dédiée à Saint Michel, se trouvait une chapelle

De toujours, l’on rapporte les grandes vertus de ce lieu

Mais son accès en était difficultueux.

Lorsque le vouloir de la mer était de l’assaillir,

Elle le faisait au grand galop ; rien ne pouvait l’arrêter.

Un homme quoiqu’alerte ne pouvait la fuir.

S’il ne l’avait devancée, il devait y périr.

Le jour de la fête du précieux Archange,

La mer était des plus calmes, elle était à son étal.

Les ouailles écoutaient la messe célébrée avec diligence.

Ils fuyaient ensuite à corps perdu.

Un jour il advint qu’avec un groupe de pèlerins

Se joignit une femme malingre et enceinte

Elle ne put attendre plus aussi au retour

Elle se tint pour perdue car elle entrait en couche.

Les vagues affluaient toute proches, les gens étaient submergés.

Dans la confusion, elle avait les jambes paralysées

Les compagnons n’étaient pas très hardis pour l’aider

En très peu de temps, elle fut incapable de se mouvoir.

Lorsqu’ils virent qu’ils n’y pourraient rien les gens crièrent avec ardeur.

« Sauve-la Sainte Marie ! », dirent-ils à grands-cris.

La pauvresse, pleine de terreur,

Se dressa au sein des flots en une fière posture.

Ceux qui s’étaient enfuis comme ils ne voyaient rien

Se doutaient que très certainement elle avait péri noyée

Ils disaient : « Cette pauvresse n’eut pas de chance

Ses péchés lui ont réservé un mauvais destin ».

Ils n’eurent pas plus tôt dit cela que la mer se retira.

En peu de temps, elle se retira en son lieu.

Notre Seigneur voulut leur démontrer un grand miracle

Par l’intermédiaire de sa mère dont ils auraient de quoi parler.

Les gens firent toutes sortes de gestes émerveillés.

Ils pensaient que leur imagination les avait trompés.

Mais très peu de temps après, ils furent sûrs et certains

Et rendaient grâce au Christ les bras levés.

Ils dirent : « Dites-nous Madame par Dieu, par charité.

Par Dieu nous vous conjurons, dites-nous la vérité.

Dites-nous de cette chose toute la certitude

Et comment avez-vous été délivrée de votre grossesse. »

Grâce à Dieu cela advint, de cela nous ne doutons point.

Et grâce à Sainte Marie que nous prions ?

Et grâce à Saint Michel dont nous suivons les préceptes,

Ce miracle est tel que nous allons l’écrire.

« Ecoutez – dit la dame – mes très chers compagnons.

Je crois bien que jamais vous n’entendîtes aussi belle aventure.

Elle sera bien relatée de par les terres étrangères

En Grèce, en Afrique et par toute l’Espagne.

Lorsque je vis que de la mort je ne pouvais échapper,

Que des flots cruels, je me trouvais encerclée,

Je me recommandai au Christ et à Sainte Marie

Car d’après mon jugement nul autre ne pouvait entendre.

J’en étais à ce point lorsque vint Sainte Marie.

Elle me couvrit de la manche de son propre manteau.

Je ne sentais pas plus de danger que si j’avais été endormie

Si mon âme avait été sauvée je n’aurais pu être plus heureuse.

Sans effort et sans peine, sans aucune douleur

J’accouchai de ce petit. Loué soit le Créateur !

Il eut une bonne sage-femme, n’en aurait pu trouver de meilleure.

Elle étendit sa miséricorde sur moi, pécheur.

Elle me fit une grâce immense, une double grâce

Si elle n’avait pas été là, j’aurais péri noyée.

Elle m’assista dans l’accouchement sinon j’étais perdue

Jamais une femme n’eut une marraine aussi honorée.

Ainsi fut ma fortune telle comme je vous l’ai racontée.

Sainte Marie eut grande pitié de moi

Et nous devons tous en tirer les leçons

Et la prier pour qu’elle nous délivre du mal.

Tous reçurent avec grande joie ce miracle.

Ils rendirent grâce à Dieu et à sainte Marie

Ils firent un beau cantique tous ensemble

Ainsi à l’église, le clergé pourrait le chanter.

Christ Seigneur et Père du monde rédempteur

Qui pour sauver le monde souffrit mort et douleur

Sois béni car tu es bon Seigneur

Jamais il ne t’advint de mépriser le pécheur.

Toi qui sauvas Jonas du ventre de la baleine

Qui le tint trois jours prisonnier de ses entrailles,

Il n’en souffrit point car tu le protégeas.

L’ancien miracle est aujourd’hui renouvelé.

Les fils d’Israël lorsqu’ils passèrent la mer

Obéissant à ton ordre et fuirent derrière Moïse

Recouverts par les flots, ils n’en souffrirent nul mal

Mais leurs persécuteurs tous furent noyés

Les antiques miracles si précieux et honorables

De nos yeux nous les voyons aujourd’hui se renouveler

Seigneur, tes amis se retrouvent à gué

Les autres dans leur élan se trouvent dans une fâcheuse position.

Seigneur, ta toute puissance prodigieuse et merveilleuse

Celle-là sauva Pierre dans une mer pleine de dangers

Seigneur qui t’incarna en notre Glorieuse mère

En toi seul nous croyons en toi et en nul autre.

Seigneur que ta vertu sacrée soit bénie.

Bénie soit Marie, ta mère reine couronnée.

Bénie sois-tu, louée sois Marie.

Seigneur, en elle tu eus un refuge sanctifié.

Seigneur, toi qui es sans terme ni commencement,

Entre les mains de qui reposent les mers et le vent,

Daigne laisser ta bénédiction s’étendre sur ce couvent

Pour que nous puissions tous te louer d’un même souffle.

Hommes et femmes tous ici présents,

Tous en toi nous croyons et adorons ton image

Et nous vous glorifions tous et ta Sainte Mère

Chantons en ton nom le « Te Deum Laudamus ».

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Voragine, « Saint Michel Archange », La Légende dorée (1261-1266)

Dans La Légende dorée, le dominicain, chroniqueur et archevêque de Gênes qu’est Voragine raconte la vie d’environ cent cinquante saints. Comme il se doit, il consacre plusieurs passages à saint Michel.

La seconde apparition eut lieu ainsi qu’il suit, vers l’an du Seigneur 710. Dans un lieu appelé Tumba, près de la mer, et éloigné de six milles de la ville d’Avranches, saint Michel apparut à l’évêque de cette cité : il lui ordonna de construire une église sur cet endroit, et d’y célébrer la mémoire de saint Michel, archange, ainsi que cela se pratiquait sur le mont Gargan. Or, comme l’évêque était incertain de la place sur laquelle il devait bâtir l’église, l’archange lui dit de la faire élever dans l’endroit où il trouverait un taureau que des voleurs avaient caché. L’évêque étant encore embarrassé sur les dimensions qu’il devait donner à cette construction, reçut l’ordre de lui donner les proportions que les vestiges des pieds du taureau auraient tracées sur le sol. Or, il se trouvait là deux rochers qu’aucune puissance humaine ne pouvait remuer. Saint Michel apparut alors à un homme et lui donna l’ordre de se transporter là et d’enlever ces deux rochers. Quand l’homme y fut arrivé, il remua le roc avec une telle facilité qu’il semblait n’avoir pas la moindre pesanteur. Lors donc que l’église fut bâtie, on y apporta du mont Gargan une partie du parement que saint Michel y plaça sur l’autel, ainsi qu’un morceau de marbre sur lequel il se posa. Mais comme on était gêné de n’avoir point d’eau dans ce lieu, de l’avis de l’ange, on perça un trou dans une roche très dure et il en sortit une si grande quantité d’eau qu’aujourd’hui encore, elle suffit à tous les besoins. Cette apparition en ce lieu se célèbre solennellement le 17 des calendes de novembre. On raconte qu’il se fit encore là un miracle digne d’être rapporté. Cette montagne est entourée de tous les côtés par les eaux de l’Océan ; mais deux fois, le jour de saint Michel, la mer se retire et laisse le passage libre. Or, comme une grande multitude de peuple se rendait à l’église, une femme enceinte et prête d’accoucher se trouvait sur le chemin avec les autres, quand tout à coup, les eaux reviennent ; la foule saisie de frayeur s’enfuit au rivage, mais la femme grosse ne put fuir, et même fut prise par les flots de la mer. Alors saint Michel préserva cette femme, de telle sorte qu’elle mit au monde un fils au milieu de la mer ; elle prit son enfant entre ses bras et lui donna le sein, et la mer lui laissant de nouveau un passage, elle sortit pleine de joie avec son fils.

Voragine, La Légende dorée, tome 2, (trad. J.-B. M. Roze), GF, Paris, 1967, p. 233-234.

Miracle de Robert le Dyable, v. 320-387 (1375)

Ne pouvant enfanter, Inde, la femme d’Aubert, duc de Normandie, invoque Satan. Elle met peu après au monde Robert le Dyable qui ne tarde pas à mériter son surnom jusqu’au jour où…

BOUTE EN COUROIE.

Alons tout mettre en nostre fort,

Et puis après je vous menray

En tel lieu que je vous feray

Trois tans gangnier que vous n’avez.

Et se vous miex dire savez,

Si le nous dites.

RIGOLET.

D’ainsi dire moult bien t’aquittes :

Ainsi tantost riches serons.

Alons men, nous ne laisserons,

Qui m’en croira, aval n’amont,

Religion de ci au Mont

Saint Michel que ne visitons

Et que le plus bel n’emportons

De leur tresor.

BRISE GODET.

Rigolet, foy que doy saint Mor,

A tele emprise voulentiers,

Se deux y vont, seray le tiers :

N’en doubtez point.

ROBERT.

Puis que nous sommes a ce point,

Seigneurs, je ne vous faudray pas.

Je scé bien et ne doubte pas

Que les seigneurs de Normandie

Nous héent a mort, quoy c’on die ;

Mais cuer ay ainsi obstiné

Que ne craing homme qui soit né ;

Et si vous jur par le Dieu pis ;

Ne ne verray dame tant belle,

Soit mariée ou soit pucelle,

De qui n’aie, vueille ou ne vueille,

Ma voulenté, qui que s’en dueille.

Vezci nostre fort : ens entrons,

Et y mettons ce qu’apportons

Trestouz ensemble.

LAMBIN

C’est bien a faire, ce me semble.

Entrez ens, maistre.

PREMIER BARON

Sire duc, pour reméde mettre

Es mechiez que fait vostre filz

Venons a vous, soyez ent fiz,

Sire, et a vous nous complaingnons

De ses meffaiz qui sont vilains ;

Car il viole les nonnains,

Et n’est de mal faire esbahiz.

Ne peut en tout vostre pais

Demourer en paiz un preudomme

Qu’il ne desrobe, c’est en somme ;

Et se le bon homme dit mot,

Avec le sien qu’il pert tantost

Il est occis.

DEUXIESME BARON.

Il dit voir ; j’en scé bien tielx six

Et plus, dont on faisoit grant compte,

Qu’il a destruit et mis a honte.

Je croy n’a tel dessoubz le ciel,

Car, de cy au Mont Saint Michiel

Et de Genays jusques a Mante,

N’a religion, a m’entente,

Que de jour en jour ne desrobe.

Ne cuidez pas que je vous lobe :

Par roberie les destruit,

Pour tant que rien de bon y truist.

Après, qui plus est grans diffames,

Nos niepces, noz filles, noz femmes

Veult avoir et prendre par force,

Et de jour en jour s’en efforce,

Et ne peuent a li durer.

Nous ne le pourrions endurer

Ne souffrir, sire.

In Miracles de Nostre-Dame, par personnages. Tome 6 / publiés d’après le ms. de la Bibliothèque nationale, par Gaston Paris et Ulysse Robert, Paris, 1876-1893, p. 14-15.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9763336r/f27

Registre criminel du Châtelet, t.1 (1389)

Conservé à la bibliothèque Mazarine, le Registre criminel du Châtelet « contient des interrogatoires, des jugements, des procès-verbaux d’exécution relatifs à cent sept causes différentes. Il y a dans les douze cents pages qu’il remplit d’abondants documents à recueillir pour l’histoire des mœurs » (Meyer Paul, Registre criminel du Châtelet de Paris, du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392, par Henri Duplès-Agier. In : Bibliothèque de l’école des chartes. 1865, tome 26. p. 374).

[…] Lequel Pierre a congneu & confessé les cas cy-après desclairés, & dont la teneur s’ensuit : Le iiije jour dudit mois d’aoust, l’an dessus dit, ledit Pierre, sy comme il dit, fu trouvé entre le gué de la Fougiere & la forest de Burçay, lequel fu prins & amené ou Chasteau-du-Loir par Guillaume Ratteau, sergent d’Ostillé, accusé d’estre malveuillant du roy nostre sire, & souspeçonné d’estre empoisonneur de puis & de fontaynes, & autres cas. A confessé, ledit Pierre, que le mercredi après la Saint-Christofle derrenierement passée, un appellé Jehan de Flandres, né de la ville de Ganz, lequel estoit en habit d’ermite, & here vestue, nuz piez, grande barbe & grelles cheveux, tenant un bourdon ferré, l’encontra au plus près de la ville du Mans ; & que ycellui hermite demanda audit Pierre de quel païs il venoit ; & il lui respondit qu’il venoit du mont Saint-Michel. Et ledit hermite lui demanda de quel païs il estoit ; & ledit Pierre lui respondit que il estoit de la ville de Thoulouse. Et lors lui dist ledit hermite : Compains, si tu veulx gangnier, je te feré riche, et que tu ne m’encuses point de chose que je te die. Et ledit lui respondi que il gangneroit voulentiers. Lors li dist ledit hermite: Je te bailleré choses que tu mettras en puis & en fontaines par les païs où tu passeras. Et lors lui respondi ledit Pierre, sy comme il dit : Quelles choses sont-ce que vous me voulez baillier à y mettre ? Et le dit hermite lui dist : Tien-toy certain que ce sont poisons pour faire morir le peuple & les bestes qui buvront desdites eaues. Et ledit Pierre lui demanda, sy comme il dit : Pourquoy me voulez-vous faire fere celle chose, ne de par qui ? Et ledit hermite lui respondi : Certes, amis, c’est pour les grans domaiges que le roy de France a fais & fait faire en Flandres, & la cause que les gens de Flandres ne regardent pas ne ne peuvent veoir que autrement ils puissent grever ne avoir vengence du roy de France ne de ses aliez, ce n’est par empoisonnement.

Registre criminel du Châtelet de Paris, du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392. T. 1 / publ. pour la première fois par la Société des bibliophiles françois ; observations préliminaires signées H. D.-A. [Henri Duplès-Agier], Paris, 1861-1864, p. 471-472

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k39989t/f505

Chronique du Mont-Saint-Michel (1418 – 1436)

« Après l’incomparable épisode de Jeanne d’Arc, la merveille de notre histoire et l’expression sublime de l’âme du peuple de France au moyen âge, la résistance du Mont-Saint-Michel aux Anglais, pendant les trente-trois années que dura leur domination en Normandie de 1417 à 1450, est certainement un des faits les plus saisissants et les plus glorieux de nos annales au XVe siècle […]. L’auteur de cette chronique ne s’est pas fait connaître, mais il y a lieu de croire, suivant la conjecture émise à la fin du dernier siècle par la Porte du Theil, que nous avons ici des notes historiques prises par un ou plutôt par plusieurs religieux du Mont-Saint-Michel » (Siméon Luce, « Introduction », tome 1, p. VII, p. XI-XII).

1418, 4 septembre, Mont-Saint-Michel

Vidimus par Laurent le Grant, sénéchal du Mont-Saint-Michel, d’un acte de Charles VI, daté de Paris le 3 août précédent, autorisant l’abbé et les religieux du Mont, qui ont dépensé plus de 10,000 francs pour creuser une grande citerne en roche vive et pour se défendre contre les attaques des Anglais occupant les alentours avec des forces considérables, à prendre sur les vicomtes d’Avranches, de Coutances, le receveur des aides d’Avranches et le maître particulier de la monnaie de Saint-Lô, une somme de 1,500 livres tournois destinée au payement des gens d’armes et de trait de la garnison du dit Mont.

p. 87

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f111

IV

1419, 13 novembre, Bourges

Le dauphin Charles, régent du royaume, duc de Berry, de Touraine et comte de Poitou, autorise Robert, conseiller du roi, abbé du Mont-Saint-Michel, à lever pendant trois ans une aide de 20 sous tournois sur chaque queue de bon vin, de 10 sous sur chaque queue de vin du crû du pays, de 5 sous sur chaque queue de cidre, débitée dans la ville du dit Mont, de 20 sous sur chaque queue de bon vin, de 10 sous sur chaque queue de menues boissons débarquée au havre du dit Mont, afin d’employer le produit de cette aide à la mise en état de défense de la forteresse devant laquelle les Anglais viennent tous les jours.

p. 93

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f117

[mai 1420]

L’an mil IIIICXX, la rivière de Caynon passa et courut lonc temps entre le Mont et Tumbelaine. En ce mesme an, monseigneur le comte d’Aubmalle vint au Mont Saint Michiel le premier jour de may et print possession de par le roy de la capitainerie de la place.

p. 22

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f46

V

1420, 21 mai, Mont-Saint-Michel

Jean de Harcourt, comte d’Aumale, lieutenant du roi et du régent et ayant la garde des abbaye, forteresse et ville du Mont-Saint-Michel, en l’absence de l’abbé et en présence des religieux fait prendre en la trésorerie de la dite abbaye un certain nombre de joyaux ci-dessous énumérés appartenant aux dits religieux et à Jacqueline, veuve de Nicole Paynel, chevalier et seigneur de Bricqueville.

p. 96

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f120

VI

1420, 27 mai, Mont-Saint-Michel

Jean de Harcourt, comte d’Aumale, lieutenant du roi et du régent, gardien des abbaye, ville et forteresse du Mont-Saint-Michel, en présence des seigneurs d’Auzebosc, des Biards, de messire Jean d’Annebault, de Colin Boucan et autres, confirme les privilèges des religieux, en récompense de leur fidélité éprouvée et en révérence de cette sainte place.

p. 97

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f121

X

1421, 1er avril, Tours

Jean de Harcourt, comte d’Aumale, lieutenant du roi et du régent, capitaine et gardien des abbaye, ville et forteresse du Mont-Saint-Michel, mande à Olivier de Mauny, sire de Thiéville, son cousin et son lieutenant au dit lieu du Mont, d’imposer, selon les usages de la guerre des appatissements sur les villes, paroisses et forteresses voisines du Mont occupées par les Anglais, et de remettre le produit de ces appatissements à Jean des Wys.

p. 107

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f131

XI

1421, 8 avril, Tours

Jean de Harcourt, comte d’Aumale, donne quittance de 3000 livres tournois qu’il reçoit en prêt des supérieurs et religieux du Mont-Saint-Michel par la main de Geffroi Cholet, prieur de Villamer, religieux du dit Mont, son conseiller, et qu’il s’engage à rendre pour le terme de la Saint-Jean (24 juin) prochain.

p. 108

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f132

XIV

1422, 27 juillet, Mont-Saint-Michel

Les religieux du Mont déclarent prendre, avec le consentement de Jean le Juif, prieur de Tombelaine, sur la chapelle Saint-Antoine du dit prieuré, 3 000 livres de plomb, qui doivent être employées tant à des citernes qu’à d’autres constructions, et s’engagent à les rendre ou à en rembourser le prix au dit prieur.

p. 116

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f140

XVI

1422, 11 octobre, Caen

Guillaume Breton, bailli de Caen mande au vicomte du dit lieu de faire publier partout deux ordonnances du duc de Bedford, dont l’une enjoint à tous gens d’armes, qui se tiennent sur le pays, de rejoindre leurs garnisons, et à ceux qui ne font point partie d’une garnison, de se mettre sous un capitaine quelconque, et dont l’autre interdit le pèlerinage au Mont-Saint-Michel.

p. 119

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f143

XX

1423, 30 juillet, Mantes

Henri VI, sur le rapport de son oncle Jean, duc de Bedford, régent de France, charge son cousin Jean de la Pole, chevalier, de recouvrer la place, forteresse et église du Mont-Saint-Michel, soit par voie amiable, grâce à l’entremise de l’abbé du Mont et de Jean Popham, chevalier, seigneur de Torigni, ses conseillers.

p. 125

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f149

XXI

1423, août, Paris

Rémission octroyée par Henri VI à Jean Sterre, écuyer anglais, au sujet du meurtre de Jean Avicet, brigand natif de la forêt de Saint-Sever, qui s’était emparé des chevaux du dit écuyer estimés 100 livres, pendant que celui-ci était prisonnier au Mont-Saint-Michel.

p. 128

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f152

XXVIII

1424, 10 juillet – 1425, 29 avril

Frais de garde, pendant huit mois commençant le 10 juillet 1424, de Raoulet ou Raoul Murdrac, écuyer, remis comme otage à Thomas Burgh, capitaine d’Avranches, par Henri Murdrac, oncle du dit Raoul, lequel Henri avait reçu du dit capitaine une somme de 1, 000 écus d’or pour livrer par trahison la ville du Mont-Saint-Michel.

p. 138

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f162

XXXIII

1424, 24 août, Rouen

Henri VI, roi de France et d’Angleterre, mande au vicomte de Carentan de requérir des charpentiers, moyennant une juste indemnité, des chariots et charettes en vue du transport de poutres et autres matériaux de fortification, et de mettre ces charpentiers ainsi que ces charettes à la disposition de Nicolas Burdett, chevalier, bailli du Cotentin, chargé de faire le siège du Mont-Saint-Michel.

p. 146

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f170

XXXIV

1424, 26 août, Rouen

Jean, régent de France, duc de Bedford, informe Hemon de Belknapp, trésorier et gouverneur général des finances, qu’il a chargé Nicolas Burdett, bailli du Cotentin, de réduire en son obéissance la forteresse du Mont-Saint-Michel au péril de la mer, et l’invite à faire payer pendant toute la durée du siège les gages de 6 hommes d’armes composant l’escorte du dit bailli, de 34 autres hommes d’armes, enfin de 90 hommes d’armes et d’un nombre proportionnel d’archers détachés des garnisons de Coutances, de Saint-Lô, d’Avranches, de Cherbourg, de Régnéville, du Pont-d’Ouve et du Parc-l’Evêque.

p. 147

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f171

[septembre 1424 – février 1427]

En ce mesme an, les Anglois mistrent une bastille devant le Mont-Saint-Michiel, a Ardevon, le XVIIe jour de septembre, laquelle y fut jucquez au XXIIIIe jour de febvrier l’an mil IIIICXXVII, que les Anglois mesmes ardirent et desenparérent, seullement pour paour des Françoys qui venoient devant eulx.

L’an dessus dit, en ce mesme mois, le jour Saint Michiel, les Anglois assiegérent par mer le Mont Saint Michiel, qui s’en fuyrent ains qu’il fu IIII jours.

p. 26

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f50

XXXV

1424, 8 septembre – 1425, fin janvier

Compte des payements faits pendant les cinq premiers mois du siège du Mont-Saint-Michel […]

p. 149

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f173

XXXIX

1424, 31 octobre, bastille d’Ardevon

Nicolas Burdett, bailli du Cotentin, commissaire et capitaine député pour tenir le siège du Mont-Saint-Michel, mande au vicomte de Carentan de payer à Jean Fay, bourgeois de Coutances, un millier de chaussetrapes, 6 livres de clous à latte, 10 livres de fil destiné à faire des cordes d’arbalètes, lesquels objets ont été achetés pour mettre en bon état de défense la bastille d’Ardevon, élevée devant la forteresse du dit Mont-Saint-Michel.

p. 160

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f184

[1425 – avril 1427]

L’an mil IIIICXXV, les dis Anglois mistrent de rechief siege a la mer devant le dit Mont, o grant force de navirez, desquieulz Lorens Hauldain estoit capitaine, qui furent combatuz par monseigneur d’Auzebosc […] Et pour empeschier le dit siege, le baron de Couloncez et plusieurs aultres chevaliers et escuyers, tant de France que de Bretaigne se ordonnèrent moult notablement au Mont Saint Michiel : toutez foiz y furent desconfiz à la Gueintre le jeudi absolu, et y mourut le dit baron.

p. 26-29

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f51

LI

1425, […] mars, Paris

Rémission octroyée par Henri VI à Jean Lhôte, natif du Mesnil-Drey, ancien soudoyer du Mont-Saint-Michel, pris dans les grèves du dit Mont […]

p. 179

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f203

LIV

1425 […], du 14 mars au 15 juillet

Montant de l’indemnité allouée à Robert Jolivet, abbé du Mont-Saint-Michel, à l’occasion du voyage fait par le dit abbé en basse Normandie, notamment à la bastille d’Ardevon et à Tombelaine, du 14 mars au 15 juillet 1425, pour le siège mis par mer devant le Mont-Saint-Michel.

p. 184

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f208

LV

1425, du 17 mars au 20 juin

Compte des payements faits pour la solde des équipages et l’affrètement d’une flotte de 20 navires (1 hourque, 2 barges, 3 nefs, 8 baleiniers ou galiotes et 6 autres bateaux de moindre tonnage), frétés à Rouen, Danzig, Londres, Orwell, Winchelsea, Portsmouth, Dieppe, Granville, Southampton, Blainville, Guernesey, Caen amenés devant le Mont-Saint-Michel par Richard Povoir, écuyer, sous les ordres de Lorens Hauden, capitaine de Tombelaine et capitaine général de la dite flotte et affectés au blocus mis par mer devant le dit Mont-Saint-Michel.

p. 185

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f209

LXIV

1425, 26 octobre, Chauvigny

Charles VII mande au sire de Bricqueville, chevalier, son chambellan, commis à la garde et capitainerie du Mont-Saint-Michel, aux religieux du dit lieu ainsi qu’aux gentilshommes et compagnons de la garnison, de ne plus différer de recevoir son cousin Louis d’Estouteville, seigneur d’Auzebosc, en qualité de capitaine du dit Mont.

p. 210

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f234

LXX

1425, 17 novembre, Mont-Saint-Michel

Louis d’Estouteville, seigneur d’Auzebosc et de Moyon, capitaine de la forteresse du Mont-Saint-Michel, à la requête des religieux, vicaire et couvent du dit lieu, enjoint à tous gens d’armes : 1° de ne pas mettre de femmes à demeurer dans l’abbaye […]

p. 221

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f245

LXXXII

1426, 3 juin, Mont-Saint-Michel

Richard Lombart, vicomte d’Avranches, qui a fait dresser des fourches patibulaires dans les grèves du Mont-Saint-Michel pour l’exécution d’un condamné, et Louis d’Estouteville, sire d’Auzebosc et de Moyon, capitaine du Mont-Saint-Michel, qui fait extraire des pierres à bâtir et du « sablon » du dit Mont pour la construction d’une poterne […]

p. 247

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f271

CXXII

1432, 8 juin, Angers

Jean II, duc d’Alençon, comte du Perche, vicomte de Beaumont, lieutenant général du roi Charles VII donne pendant un an aux vicaire et religieux de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, réduits par l’occupation anglaise et la désertion de leur abbé à un tel degré de pauvreté qu’ils ont dû vendre la plupart des joyaux et calices de leur église, le produit des contributions militaires, impôts et subsides mis par les gens d’armes de la garnison du Mont sur toutes les terres et paroisses appartenant à la dite abbaye.

p. 309

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f333

CXXVII

1432, 25 juillet, Amboise

Charles VII confisque et donne aux religieux, prieur et couvent du Mont-Saint-Michel, tous les biens acquis en Normandie et ailleurs par frère Robert Jolivet, leur abbé, qui s’est rendu coupable du crime de lèse-majesté en embrassant le parti des Anglais.

p. 320

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f344

CXXXIII

1432, 31 octobre, Paris

[…]

Henry, par la grace de Dieu roy de France et d’Angleterre, savoir faisons à tous presens et advenir nous avoir receu l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Ouville, prestre, chapellain mercenaire du diocèse de Coustances, contenant comme, depuis un an ença ou environ, le dit Jehan Ouville, aiant en sa garde une sienne niepce de l’aage de huit ans ou environ, de laquelle il estoit tuteur, qui lors avoit une grande maladie, pour avoir garison d’icele, à la grant fiance qu’il avoit à monseigneur saint Michiel, la voua au dit monseigneur saint Michiel au mont de Tombe. Après lequel veu ainsi fait, par la grace de Nostre Seigneur, fu sa dicte niepce restituée à sa bonne santé. Pour quoy ycelui Jehan Ouville, desirant accomplir son dit veu, se tira pardevers le capitaine de Tumbelaine ou aucuns de ses gens, pour avoir d’eulx congié et licence de aler au dit lieu du Mont Saint Michiel acomplir son dit veu. Après lequel congié ainsi obtenu, se parti du dit lieu de Tumbelaine, sa dicte nièce avec lui, en la compaignie de Thomas Baudouin, de la parroisse des Perques, et de plusieurs autres pelerins, entre lesquelz en avoit ung tout nu, qui pareillement avoient obtenu congié au dit lieu de Tumbelaine pour aller au dit lieu du Mont faire leur pelerinaige. Lequel pelerinage par lui fait et les autres de sa dicte compaignie, ainsi qu’ilz se cuidoient partir du dit lieu du Mont pour eulx en retourner chascun en son lieu, la femme du capitaine du dit lieu du Mont, qui se disoit dame de Briquebec, demanda le dit Jehan Ouville et les autres pelerins avec lesquelz il estoit alé. Ausquelz elle dist qu’il convenoit qu’ilz portassent de par elle à ung nommé Landry Faloise, demourans au dit lieu de Bricquebec, une cedule en papier contenant recommandacion et qu’ilz lui envoiassent la somme de six vins saluz d’or pour avoir une robe, et que, s’il y avoit faulte, qu’il lui en souvendroit ou autres paroles semblables. Lesquelz Jehan Ouville et autres pelerins respondirent à la dicte dame que ce ne seroit pas chose licite à eulx à faire, et qu’ilz estoient pelerins, et que le congié qu’ilz avoient du dit capitaine de Tumbelaine ne faisoit point de mencion qu’ilz peussent prendre ne porter aucunes cedules ne aussi faire aucuns rapors de bouche ne autres pour aucuns du parti contraire à quelques personnes que ce feussent de nostre parti, et que, s’ilz le faisoient, ce seroit pour eulx destruire. Laquele femme du dit capitaine, veant le refuz que faisoient les diz Jehan Ouville et autre pelerins, leur dist pleinement que, s’ilz ne la portoient, qu’ilz demoureroient prisonniers et qu’elle leur feroit faire desplaisir. Et leur dist oultre que, se elle n’avoit nouvelles qu’ilz eussent baillée la dicte cedule, qu’ilz se gardassent bien que jamais ne feussent rançonnez par aucuns de la garnison du dit lieu du Mont Saint Michiel. Lesquelz Jean d’Ouville et autres pelerins, oyans les dictes menaces, prindrent la dicte cedule laquele lors fu baillée au dit Jehan Ouville. Et ainsi se partirent le dit Jehan Ouville et autres pelerins. Et ainsi qu’ilz furent entre le dit lieu du Mont Saint Michiel et le dit lieu de Briquebec, ycelui Jehan Ouville bailla la dicte cedule au dit Thomas Baudouin, en lui disant que plus ne la porteroit et qu’il estoit prestre, et qu’il la portast à la justice ou en feist ce que bon lui sembleroit, ou autres semblables paroles en effect. Lequel Thomas Baudouin print la dicte cedule laquele il garda par aucun temps, et depuis la bailla à la justice du dit lieu de Briquebec, comme le dit Jehan Ouville a entendu. Et ycele veue par les gens de la dicte justice, fu fait commandement au dit Jehan Ouville par le dit Faloise qu’il se rendist ou chastel de Briquebec. Lequel Jehan Ouville, ne cuidant en ce avoir mesprins ne autrement, vint incontient ou dit chastel ouquel, si tost qu’il y fu entré, fu arresté prisonnier en ycelui. Lequel arrest venu à la congnoissance de noz gens et officiers à Valoignes, a esté par nos diz gens arresté prisonnier ou dit chastel de Briquebec duquel chastel il s’en est alé et departi, doubtant estre durement traictié par les gens du seigneur du dit chastel contre lequel il est en procès pour son heritage et aussi contre le dit Faloise, procureur du dit seigneur. Pour lesquelles choses… Si donnons en mandement au bailli de Coustentin… Donné à Paris le derrenier jour du mois d’octobre l’an de grace mil CCCXXXII, et de nostre règne le XIme, seellées de nostre seel ordonné en l’absence du grant. Ainsi signé ès resquestes tenues du commandement et ordonnance de monseigneur le gouvernant et regent de France duc de Bedford, esqueles l’evesque de Beauvais, mestre Guillaume Leduc, president en parlement, messire Jehan de Pressy, chevalier, et autres estoient. J. de Drosay.

p. 9

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f17

CXLI

1433, 12 juillet

Mention d’un nommé Jeannin le Peu de la garnison du Mont-Saint-Michel, fait prisonnier et mis à rançon par Bertin Enthesville, écuyer, seigneur de Bricquebec et lieutenant d’Avranches […]

p. 20

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f28.

CXLV

1433, vendredi matin 20 novembre, Saint-Lô

Lettre close adressée par Hue Spencer, bailli de Cotentin, à Guillaume Breton, bailli de Caen, pour lui annoncer que Jean, duc d’Alençon, vient d’entrer en Normandie du côté de Sainte-Suzanne avec un corps d’armée considérable, que l’on doit lui livrer par trahison Caen, Bayeux, Neuilly-L’Evêque ou Saint-Lô et que l’on tient ces nouvelles de six soudoyers du Mont-Saint-Michel faits prisonniers par les Anglais d’Avranches.

p. 26-27

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f34

CXLVII

1433, 16 décembre, Caen

Rémission octroyée par Henri VI à Colin Pesant, de la vicomté de Coutances, attaché naguère au service de Raoul Tesson, chevalier, accusé : […] 2° d’avoir tenu ensuite garnison au Mont-Saint-Michel où la femme de Raoul Tesson s’était retirée et là de s’être embarqué sur la flottille qui, sous les ordres d’Yvon Priour, de la garnison du dit Mont, s’empara d’un certain nombre de navires anglais à Granville.

p. 29-30

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f37

CXLVIII

1433, 1er octobre – 1434, 30 septembre

Sauf-conduits accordés par les Anglais dans les pays d’Anjou et du Maine, pour aller en voyage ou pèlerinage au Mont-Saint-Michel.

p. 32

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f40.

[Avril 1434]

L’an mil IIIICXXXIIII, le lundi de Quasimodo, une grant partie de ceste ville du Mont fu arse.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f58

p. 34

[Juin 1434]

L’an dessus dit, le sire de Secalles, a compaigne de bien VIII mille Anglois et aultres, mist le siege devant le Mont Saint Michiel ou il amena de plus divers abillemens qui eussent esté de tout le temps de ceste guerre et batit la ville et le fenil de canons, bombarde et aultre trait. Et après y donna ung assault, et fut le XVIIe jour de juing la ou il morut, comme l’en disoit, et au devant du dit assault et en s’en retournant bien… sans qu’il mourust nul des gens de la place ne qu’il en y eust guerez de blecez, qui est chosse que l’en pourroit dire miraculeuse et de la s’en retournérent marriz et confus, la mercy Dieu et de monseigneur saint Michiel qui a toujours gardé et garde la place.

p. 34-35

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f58

CLI

1434 du 4 au 20 juin

Vacations d’un certain nombre d’hommes à cheval et d’archers de la garnison anglaise d’Alençon qui se sont absentés pour servir sous les ordres du Thomas, seigneur de Sacales, ès parties du Mont-Saint-Michel.

p. 37

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f45

CLII

1434, 15 août, Bayeux

Mention d’un mandement de Thomas, seigneur de Scales, daté de la bastille devant le Mont-Saint-Michel et enjoignant aux nobles de la vicomté de Bayeux de venir le rejoindre devant la dite bastille en compagnie du bailli du Cotentin pour tenir tête aux ennemis assemblés du côté de Fougères.

p. 38

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f46

CLXV

1435 […] 22 février

Mandement relatif au payement de plusieurs messagers envoyés du 16 janvier au 8 février 1435, les uns pour […] – les autres, pour informer le bailli du Cotentin que Louis, sire d’Estouteville, capitaine du Mont-Saint-Michel, depuis la levée du siège d’Avranches par le duc d’Alençon, mettait sur pied grand nombre de gens d’armes pour courir et rançonner les vicomtés d’Avranches et de Coutances.

p. 56

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f50

CLXVI

1435 […] 23 février

Mandement relatif au payement d’un messager envoyé de Coutances au château de Valognes pour faire savoir à Raoul le Sage, seigneur de Saint-Pierre, que Jean, duc d’Alençon, après avoir fait sa jonction avec les nobles et les communes du pays de Bessin, s’était logé à Mortain et qu’il projetait, avec le concours de Louis d’Estouteville, sire d’Auzebosc, capitaine du Mont-Saint-Michel, de donner l’assaut à la bastille d’Ardevon occupée par Thomas sire de Scales, afin de pouvoir ensuite ravitailler la dite place du Mont-Saint-Michel.

p. 58

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f66.

CLXVII

1435 […] 24 février

Mention de deux messages envoyés, le premier de Coutances au château de Valognes pour annoncer à Raoul le Sage, seigneur de Saint-Pierre, une concentration des forces françaises à Angers sous les ordres du roi Charles VII ainsi que le propos tenu à Avranches par un homme d’armes du Mont-Saint-Michel qui voulait parier qu’avant peu les Français seraient maîtres de Coutances […]

p. 59

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f67

CLXXI

1435 […] 9 avril, Rouen

Henri VI retient Thomas, sire de Scales, à la charge de 50 lances à cheval, de 20 lances à pied et de 210 archers, lesquels hommes d’armes et archers tiendront garnison à Saint-Jean-le-Thomas pour bloquer la garnison française du Mont-Saint-Michel, dont le désemparement de la bastille d’Ardevon a redoublé l’audace et pour s’opposer aux entreprises de la dite garnison.

p. 64

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f72

CLXXIV

1435, 13 août

Mention d’une « détrousse » de la garnison anglaise de Tombelaine par la garnison française du Mont-Saint-Michel.

p. 68

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f76.

CLXXVI

1435, 9 décembre, Tours

Charles VII mande à tous huissiers ou sergents de son parlement séant à Poitiers ou des requêtes de son hôtel, d’ajourner aux jours ordinaires ou extraordinaires de son dit parlement quiconque fera appel des jugements rendus par les bailli et vicomte du Cotentin siégeant au Mont-Saint-Michel, vu que cet appel ne peut être porté selon l’usage devant l’échiquier de Rouen en raison de l’occupation de la Normandie par les Anglais.

p. 71

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f79.

CXCIV

1436, 1er octobre, Mont-Saint-Michel

Jean Gouault, vicaire au temporel et au spirituel de l’abbaye du Mont-Saint-Michel en l’absence de l’abbé Robert Jolivet, confirme le bail en fieffe fait à Jean James d’une maison sise au dit Mont-Saint-Michel par contrat passé la veille devant Guillaume Paynel, écuyer, garde des sceaux des obligations de la vicomté d’Avranches, en présence de Philippe de la Haye, chevalier de Robert de Crux, de Richard de Clinchamp, écuyers, de Richard Lombard, vicomte d’Avranches, et de Robin le Couturier, témoins à ce appelés.

p. 95-96

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f103.

Chronique du Mont-Saint-Michel : 1343-1468 :

publiée avec notes et pièces diverses relatives au mont Saint-Michel

et à la défense nationale en basse Normandie

pendant l’occupation anglaise.

par Siméon Luce, Firmin Didot,

1879-1883

Gutierre Diaz de Games, Le Victorial : Chronique de Don Pedro Niño, comte de Buelna de Gutierre Diaz de Games (1436)

Alors que précédemment les chroniques historiographiques narraient les faits survenus sur tel ou tel territoire, Gutierre Diza de Games, pour aborder des questions d’actualité, se sert d’un personnage, Piro Niño, comte de Buelna, que l’on suit d’aventures en aventures. Mêlant histoire et fiction, récit de voyage et roman de chevalerie, Le Victorial nous fait découvrir une campagne castillaise menée contre des corsaires maghrébins ainsi que diverses opérations militaires se déroulant au large des côtes françaises durant la Guerre de Cent ans.

(« Le Victorial a dû connaître une première rédaction autour de 1406. Cependant, l’essentiel de la composition date sans doute de 1436, et a certainement été complétée en 1448. Il est également possible qu’un épilogue ait été ajouté en 1453 » https://fr.wikipedia.org/wiki/El_Victorial)

La mer du Ponant n’est pas comme celle du Levant, qui n’a ni flux, ni reflux, ni grands courants, si l’on en excepte un que l’on appelle le courant de Faro, qui est très-dangereux, et où périssent beaucoup de bâtiments. Quand le vent est opposé au courant, le vaisseau qui se trouve entre eux deux touche de bien près la mort. Dans la mer du Levant, il y a beaucoup de bas-fonds ; mais si la galère veut mouiller pour la nuit, qu’elle trouve seulement une roche qui la garantisse du vent, elle sera là sans crainte de la mer. Les vents n’y sont pas non plus aussi violents que sur l’autre ; il y a des calmes qui durent plusieurs heures et même plusieurs jours. La mer du Ponant est très-méchante, surtout pour les galères. Tant sur les côtes de France que sur celles d’Angleterre, elle n’offre ni cales, ni bons refuges, parce que, s’il arrive que la galère ait mouillé contre terre en un lieu où elle soit abritée de la mer et du vent, bientôt vient le reflux ; et si l’on n’y prend garde, ou se trouve à sec. Il faut alors que l’on se hâte de lever l’ancre et de chercher à temps un meilleur refuge, ou que l’on gagne la haute mer, qui est périlleuse pour les galères, parce que jamais le calme n’y dure. Pour les galères, si cela se pouvait, il faudrait qu’il n’y eût jamais de vent. Et il en advint ainsi à celles du capitaine qui avaient eu grande tourmente à souffrir tout le jour et partie de la nuit. Elles furent chercher sur la côte de Bretagne, auprès du mont Saint-Michel, un refuge où les gens de l’équipage, qui étaient très-fatigués, purent se reposer. A minuit, elles jetèrent l’ancre ; et quand vint le point du jour, les roches parurent hors de l’eau tout autour des galères. Les marins sondèrent, et trouvèrent qu’ils étaient presque à sec sur fond de roches, ce qui est très-dangereux. Là, il fallut toute la science des marins, car le vent venait du large et donnait en travers des galères ; et comme la mer baissait, il n’y avait pas d’espérance qu’elle les tirât de là. Le capitaine ordonna à ses gens de sauter tous à la mer, d’alléger les galères et de les emmener à force d’épaules. Et il plut à Dieu qu’ils réussissent à les vider ; ils les poussèrent à la pleine mer, et les firent sortir de ce mauvais endroit où elles étaient déjà engravées. Puis le monde remonta sur les galères ; on prit les rames, on passa le raz de Blanchart, et l’on se dirigea sur le cap de Saint-Mathieu. Sur le cap se croisent les deux mers, celle d’Espagne et celle du Ponant. Là les vagues étaient très-hautes et la tourmente si grande, que les flots déferlaient jusqu’au milieu des galères.

trad. de l’espagnol, d’après le manuscrit,

avec une introd. et des notes historiques,

par le comte Albert de Circourt et le comte de Puymaigre,

Paris, 1867, p. 411-412.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1053820/f431.item

Chronique du Mont-Saint-Michelsuite (1437 – 1439)

CXCV

1437, 23 avril

Guillaume Bosquet, receveur des aides en la vicomté de Bayeux, ayant à porter de Bayeux à Caen le produit de sa recette, se fait accompagner tant à l’aller qu’au retour par une escorte de 4 lances à cheval et de 20 archers de la garnison de Bayeux par crainte des garnisons françaises du Mont-Saint-Michel et de la Gravelle.

p. 99

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f107

CCII

1437, 19 décembre, Carentan

Nicolas Dixnis, lieutenant de Hue Spencer, écuyer, bailli du Cotentin, mande au vicomte de Carentan de payer 4 livres 10 sous tournois à Colin le Porquier, messager à pied, lequel a porté de Carentan à Rouen des lettres closes adressées au comte de Warwick, lieutenant du roi au chancelier et aux seigneurs de la Chambre des Comptes, pour les informer que les ennemis assemblés au Mont-Saint-Michel, se sont avancés jusqu’à Torigni dont ils ont pris le marché.

p. 109

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f117

CCV

1439 […] 24 janvier, Tours

Charles VII donne pour trois ans aux religieux du Mont-Saint-Michel, en récompense de leur inaltérable fidélité, les contributions de guerre ou « appâtis » qui pourront être levées sur les habitants des seigneuries appartenant aux dits religieux par les garnisons françaises du Mont-Saint-Michel, de Craon, de Laval, de la Gravelle, de Montaudin et de Mausson.

p. 113

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f121

CCVIII

1439, 8 août, Tours

Charles VII, par amour de saint Michel archange auquel ses prédécesseurs et lui ont toujours eu très singulière dévotion et en considération de l’entière et très grande loyauté des religieux du Mont-Saint-Michel envers la couronne de France, confirme l’exemption de tous droits de péage et de coutume accordée aux dits religieux pour les denrées servant à leur alimentation et à celle de leurs serviteurs.

p. 119

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f127

Chronique du Mont-Saint-Michel : 1343-1468 :

publiée avec notes et pièces diverses relatives au mont Saint-Michel

et à la défense nationale en basse Normandie

pendant l’occupation anglaise.

par Siméon Luce, Firmin Didot,

1879-1883

Jean Juvenal Des Ursins – Loquar in tribulacione (1440)

Evêque de Beauvais, Jean Juvenal Des Ursins détaille dans une épître adressée au roi « les tirannies cruelles, dampnables et detestables que seuffre le peuple, du fait des ennemis mais aussi – ce qui rend la situation plus affligeante et scandaleuse encore – […] du fait de ceux qui devraient le protéger […]. Jean Juvénal conjure Charles VII d’ avoir clémence, compassion et pitié de [son] peuple […]. Il presse le roi de se réveiller et d’agir, lui reprochant de se tapir dans ses châteaux sans ouir les plaintes de son peuple ainsi tourmenté » (Florence Bouchet. « Vox populi : précurseurs et postérité du peuple « plaintif et langoureux” du ”Quadrilogue invectif” » in Florence Bouchet, Sébastien Cazalas, Philippe Maupeu, Le Pouvoir des lettres sous le règne de Charles VII (1422-1461), Honoré Champion,2020, p. 82).

Nous avons de raison escripte que pour la redempcion des peresonnes les choses ecclesiastiques se peuvent vendre et aliener, par plus forte raison les choses prophaines. Se il n’y avoit donques que sa délivrance, qui est ung si vaillant seigneur, reputé sage, prudent et preudomme en toutes manières, dont vous et le royaulme serez fort apuiez et soustenus, si n’est il aucune doubte que a ce traictié, selon le contenu de la cedule, vous devés toutes autres choses [cessans] diligenment entendre ; corpora enim preferenda sunt rebus. Et ainsi au regart detoutes lesdictes trois choses semble qu’elles sont au prouffit de vous et de vostre seignorie.

Or venons au surplus de ladicte cedule, en laquelle est contenu que vous laisserez au roy d’Angleterre Normendie avecques toutes ses appartenances, et tout ce qu’il tient en Guienne, et de Normendie sont exceptés le Mont Saint Michiel et l’ommage de Brethaigne ; et ce qu’il tient vers les marches de Calais et Guines. Et ainsi semble que vous ne luy baillez riens, car desja ilz tiennent et occuppent tout, excepté seulement Harfleu et Dieppe ; maiz on doit advertir que Dieppe n’est pas du demainne de la duché de Normendie maiz est de l’eglise, appartenant a l’arcevesque de Rouen, et ne se pourroit bonnement apliquer au demainne du roy ; et ainsi le roy en effect ne bauldroit que Harfleu

Ecrits politiques de Jean Juvénal des Ursins, C. Klincksieck, Paris, 1978, p. 424-425

https://books.google.fr/books?id=9VKJJdCffq4C&pg=PA424&lpg=PA424&dq

De abbatibus Montis Sancti Michaelis in periculo maris, (1441)

Le manuscrit 213 de la Bibliothèque Patrimoniale d’Avranches contient quelques pages dédiées aux abbés du Mont. En 1657, Philippe Labbé en publie une partie. Ces pages, longtemps oubliées ont été remises sur la sellette par Thomas Bisson, grand historien américain du Mont, qui est l’origine d’une édition et traduction anglaise ainsi qu’une édition critique numérique que vous trouverez au lien suivant :

https://journals.openedition.org/tabularia/3773

Chronique du Mont-Saint-Michelsuite (1441-1460)

CCXVII

1441, dimanche 3 décembre, Mont-Saint-Michel

Vidimus par Guillaume Paynel, écuyer, garde des sceaux, des obligations de la vicomté d’Avranches, d’une ordonnance de Louis, seigneur d’Estouteville et de Hambye, grand bouteillier de France, lieutenant du roi et capitaine du Mont-Saint-Michel, établissant droit sur les vins, tant français que bretons, introduits et vendus dans la dite place du Mont-Saint-Michel, […] – Délibération de l’assemblée des notables habitants de la ville du Mont-Saint-Michel, parmi lesquels figurent notamment Jean Vallée, Guillaume Artur et Guillaume de Bourguenolles [ …],

p. 131-132.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f139.

CCXVIII

1441, décembre, Saumur

Rémission octroyée par Charles VII à Pierre de Courcelles, dit l’Ermite, homme de guerre de la garnison du Mont-Saint-Michel, qui avait tué à la suite d’une rixe dans une des tavernes du Mont un autre soudoyer de la dite garnison, nommé Raoulin Cecille, dit Ragot, avec lequel il avait perdu douze quartes de vin en jouant au tir de l’arc dans la grève.

p. 137

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f145

CCXIX

1441 […] mars, Ruffec

Rémission octroyée par Charles VII à Jean de Brecey, écuyer tenant garnison dans la forteresse du Mont-Saint-Michel sous Louis, seigneur d’Estouteville, capitaine de la dite forteresse, lequel Jean, à l’instigation de Guillemin Mauvoisin, avait pris part à un complot tramé par le dit Guillemin, Laurent Leconte, Perrin du Puis, Jean Charpentier et l’un des hérauts de la garnison, de concert avec le baron de Coulonces et Jean le Brun, complot tendant à livrer la place du Mont-Saint-Michel à un capitaine français autre que le seigneur d’Estouteville.

p. 139

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f147

CCXX

1442, 6 juillet, Avranches

Mention de préparatifs faits par la garnison française du Mont-Saint-Michel pour s’emparer par escalade de quelques-unes des places occupées par les Anglais.

p. 142

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f150

CCXXIII

1442, 16 septembre, Avranches

Mention d’un messager envoyé d’Avranches au bâtard du seigneur de Scales, capitaine de Granville, pour l’informer que Louis, sire d’Estouteville, capitaine du Mont-Saint-Michel, faisait des préparatifs pour prendre par mer et par escalade la dite place de Granville.

p. 145

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f153

CCXXV

1443 […] 31 janvier, Villedieu

Thomas, sire de Scale et de Nucelles, vidame de Chartres et sénéchal de Normandie, mande à Robert Sullivan, écuyer, de s’adjoindre le vicomte de Villedieu afin de prendre les montres de tous les gens d’armes et de trait qui tiennent garnison à Villedieu pour faire frontière aux ennemis occupant les places de Granville et du Mont-Saint-Michel.

p. 147

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f155

CCXLVII

1445 […] 27 février, Lisieux

Lettre close adressée par Richard, duc d’York, lieutenant général et gouverneur pour Henri VI de France et de Normandie, au vicomte de Coutances, pour l’inviter à faire dresser procès-verbal de toutes les infractions aux trêves commises, depuis la conclusion des dites trêves, par les garnisons de Granville, du Mont-Saint-Michel et des autres places occupées par les Français.

p. 180

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f188.

CCLXVI

1447, 11 septembre, Mont-Saint-Michel

Guillaume Bailleul, lieutenant général de Robert d’Estouteville, chevalier, bailli du Cotentin, ajourne les abbé et religieux du Mont-Saint-Michel à comparaître devant le dit bailli aux assises du siège d’Avranches, lesquels abbé et religieux étaient accusés d’avoir attenté aux droits du roi en laissant saisir par Gardin de Montcauvin, un de leurs officiers, sous prétexte de travers forfait, du bétail que l’on amenait de Bretagne en Normandie.

p. 211

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f219

CCLXIX

1448, mai, Montbazon

Rémission octroyée par Charles VII à Guillaume l’Aventurier dit Piqueré, homme d’armes de la compagnie d’André, sire de Lohéac, maréchal de France, qui avait tué dans une rixe Thomin le Rebrayé, de la garnison du Mont-Saint-Michel.

p. 216

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9773234v/f224

[1449]

L’an mil IIIICXLIX, le sabmedy VIe jour de septembre, Franchois ? duc de Bretaigne, vint au Mont Saint Michiel a heure de vespres avecques grant compaignée de seigneurs, nobles et aultres gens d’armes comme Artur, connestable de France, le conte de Laval, le seigneur de Loheac, mareschal de France, son frère Jacques, monseigneur frère du conte de Saint Pol. Louys, sirE d’Estouteville, capitaine du Mont Saint Michiel, pour lors y estoit […]

p. 47

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f71

Chronique du Mont-Saint-Michel : 1343-1468 :

publiée avec notes et pièces diverses relatives au mont Saint-Michel

et à la défense nationale en basse Normandie

pendant l’occupation anglaise.

par Siméon Luce, Firmin Didot,

1879-1883

Jean de Bueil, Le Jouvencel, chap. XVI, (1461)

« Traité d’art militaire, apologie de la guerre et avant tout œuvre de fiction pleine de vie, Le Jouvencel raconte la carrière idéale d’un jeune noble attiré par le métier des armes, qui après avoir volé une lessive et quelques chèvres, devient un capitaine valeureux et respecté avant d’épouser la fille d’un roi et de devenir régent du royaume de son beau-père » (Michelle Szkilnik, quatrième de couverture de Jean de Bueil, Le Jouvencel, Honoré Champion, Paris, 2018).

« […] dans un long discours le sire de Chamblay explique au Jouvencel qu’assiéger une ville en construisant des bastilles n’a pas réussi aux Anglais : ils se sont épuisés à défendre ces points que les Français ont pris les uns après les autres. » (« Le Siège d’Orléans dans Le Jouvencel de Jean de Bueil », Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, Nouvelle série, Tome XI, n°88, avril 1990, p. 13, note 4).

Et pour ce, ne doit-on point assiéger une bonne place, tant que les menues places d’environ soient conquises, encore moings la bastiller ; car bastilles sont encore plus fortes à conduire et entretenir que n’est ung ost ou ung siege ; car en bastilles on ne peut tenir chevaulx ; bastilles sont séparées l’une de l’autre et ne se peuvent secourir ; s’il n’y a que une bastille seule elle en est mieulx assiegée que n’est la ville devant qui elle est faicte ; car la cité ou ville est meilleure de soy mesme que n’est la bastiller… J’ay tousjours ouy dire qu’il en est advenu mal, et encores en France de ces derrenières guerres les ay-je veu prendre et desconfire devant Orleans, devant Compiègne, devant Dieppe et devant le Mont Saint-Michel; et je crois qu’elles ont plus proffité, quelque part qu’elles ayent esté mises, aux ennemyz que à ceux à qui elles estoient. Et me semble qu’on ne peult mieux bastiller ne assiéger une place puissante ne une cité que de prendre les places d’environ. Je ne vous ay point parlé des angins volans ; aussi n’ay-je de pontz, qui se font de pipes liées à cordes, ou de clayes pour passer rivières.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6550124j/f68

Chronique du Mont-Saint-Michelsuite (1462-1465)

[1462]

En l’an mil IIIICLXII, le dit roy Louys vint en Normendie et fut repceu a Rouen le plus ponpeusement de jamès et fut en pluseurs villes de la ditte duchié. Et le XXVIme jour d’aoust, eu dit an, fut au Mont Saint Michiel, acompaigné de monseigneur Charles, duc de Berry, son frère, du prince de Navarre filz monseigneur le conte de Fouyes, du prince de Pymont, filz monseigneur de Calabre, du conte de Boullongne, du conte de la Marche et de plusieurs autres seigneurs. Et s’en retourna du dit Mont le XXVIIIe jour du dit moys d’aoust et alla couchier a Avrenchez et donna et mist en offrende en l’autel de monseigneur saint Michiel six cens escuz.

p. 65

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f89

[1465]

Incontinent les choses dessus dittes verballement acordées du roy, toutes les villes de Normendie se tournérent devers le duc de Berry, frère du roy, et en eult yceluy sire pocession par gens de par luy eu moys d’octobre de toutes les places de la ditte duchié, excepté des places et villes de Vernon, Gaillart, Louviers, le Pont de l’Arche, Faloise, Chierbourg et le Mont Saint Michiel. Pour lesquelles rendre, le roy, contraint a ce faire, envoia le sire de Maupas, son commissaire, pour les delivrer et baillier au sire de Saint Symon, commissaire du sire de Charoleys, lequel avoit charge de les baillier au commissaire du dit sire de Berry.

Et avoit tenu la place de Grantville pour le roy comme les dessus dittes, mès meschantement fut rendue par aucuns qui estoient dedens la ditte place au devant que les dis commissaires du roy, de Charoleis et du duc de Berry, y vensissent. Et obeirent les dittes places, Vernon, Gaillart, Louviers, le Pont de l’Arche, Fallaise, aus dis commissaires du roy et luy rendirent les villes. Et le Mont Saint Michiel et Chierbourg dissimulèrent, pour saver plus a plain de la volenté du roy […]

Pour laquelle chose, le roy envoia devers le dit duc de Bretaigne son admiral, sire de Montauban, et son mareschal, Joachim Rouault, qui trouvérent le dit duc à la ville de Bayeux le XIIe jour de decembre, les quieux prindrent aliance de par le roy ovecques le dit duc. Et fist rendre le dit duc de Bretaigne toutes les places de Caen, Bayeux, Saint Lo, Avrenches, Coustances, Carenten, Vire, Valongnes, Gavrey, que ses gens avoient fait rendre au dit duc de Berry. Et le Mont Saint Michiel et Chierbourg, qui tousjours avoient tenu d’o [avec] le roy, se desclairèrent de rechief estre au roy et non au dit duc de Berry.

p. 77-80]

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5020j/f101

Chronique du Mont-Saint-Michel : 1343-1468,

publiée avec notes et pièces diverses relatives au mont Saint-Michel et à la défense nationale en basse Normandie pendant l’occupation anglaise

par Siméon Luce, Firmin Didot, 1879-1883

Jean de Roye, Journal, connu sous le nom de Chronique scandaleuse,

t.1 (1479)

A la fin du XVe siècle, fut rédigé « un journal parisien très détaillé, dont l’auteur ne parle guère que de ce qui se passe dans la capitale du royaume et des faits et gestes du gouvernement royal. Très développé à partir de 1463, ce journal parait avoir été rédigé au jour le jour jusqu’au début de 1479 et complété plus tard d’une façon assez sommaire. L’auteur est un bourgeois prudent et avisé, qui évite de se compromettre, mais qui raconte sous une forme parfois assez agréable et en général avec beaucoup d’exactitude ce qu’il a appris ». Il aurait été « un bourgeois de Paris, notaire au Châtelet et concierge de l’hôtel de Bourbon ». L’ouvrage fut « imprimé sous le nom de Croniques dès le règne de Charles VIII. […] En 1611, il paraît sous le titre de Chronique scandaleuse » (A. Molinier, note bibliographique, Collections numériques de la Sorbonne, année 1904, 5, p. 24-25).

En ces entrefaictes, ledit Jehan Monseigneur de Lorraine s’en cuida eschapper pour aler en Flandres, mais il fut rencontré par les gens du roy, qui le prindrent et menèrent vers le roy. Et donna le roy la pluspart des offices de la dicte duchié et y fist tous nouveaulx officiers. Et, après ledit partement dudit mons. Charles de ladicte ville de Rouen, elle fut remise et reduicte au roy. Et, ce fait, le roy renvoya tous ses frans archers et leur donna congié jusques au premier jour de mars ensuivant, et renvoya aussi son artillerie à Paris, et puis print son chemin pour aler au bas pays de Normendie et vers le Mont Saint-Michel. […]

Et, après, vint et arriva à Paris, le vie jour du mois de novembre, ledit mons. le cardinal, ledit trésorier de la Driesche, maistre Jehan Berart et maistre Geoffroy Alnequin pour faire faire les monstres des bannières de Paris pardevant eulx et pour faire autres charges qui leur estoient données de par le roy. Et, après, s’en parti dudit lieu de Chartres pour aler à Orleans, Clery et autres villes près d’ilec et puis à Vendosme, et de là jusques au Mont Saint-Michel, et avecques lui fist mener grande quantité de sadicte artillerie, et si aloient avecques lui grant nombre de ses gens de guerre.

En ces entrefaictes, les Bretons yssirent tous en armes hors de leur pays, et vindrent en Normendie jusques à la cité d’Avrenches et autres villes dudit pays. Et, après, iceulx Bretons s’espandirent par ledit pays de Normendie, comme jusques à Caen, à Baieux, Coustances et autres lieux-. […]

Durant ce que dit est, le conte de Waruik, dont devant est parlé, qui estoit dudit pays de Normendie, cuidant soy en retourner en son pays d’Angleterre, fut ordonné et estably sur mer de par ledit de Bourgongne plusieurs beaulx et grans navires de guerre comme hurques, galées et autres navires en grant quantité, tous fort avitaillez et garnis d’artillerie et gens de guerre, d’Anglois, Bourguignons, Picars et autres, et singlerent en mer tellement qu’ilz s’en vindrent arriver et entrer sur la coste de Normendie environ la fosse de l’Eure, cuidans trouver et rencontrer le dit de Waruik et sa compaignie pour les desconfire. Et ilec demourerent à l’anchre par certain long temps, pendant lequel le roy, qui estoit à Amboise, s’en parti et ala au Mont Saint-Michel en pèlerinage. Et, après icellui fait et acomply, s’en revint et retourna à Avranches, Tombelaine, Coustances, Caen, Honnefleu et autres places de Normandie, et ilec, sur la coste de la mer, fist aussi arriver et avitailler sa nef, la nef monseigneur l’admiral, la nef de Colon et autres plusieurs beaulx navires, dedens lesquelz se mirent et bouterent lesdiz de Clairence, de Waruic et ceulx de leur compaignie, avecques aucuns frans archers et autres gens de guerre que le roy lui avoit baillez pour leur seureté et conduite. […]

Le lendemain de Noël, qui estoit le jour Saint-Estienne, le roy ot des nouvelles que les Anglois estoient en armes en grant nombre sur mer, et estoient vers les parties du Mont Saint-Michel. Et incontinent fist monter à cheval et envoier en Normandie les archers par lui mis sus de sa nouvelle garde, nommée la garde de monseigneur le daulphin.

Jean Roy, Journal connu sous le nom de Chronique scandaleuse,

tome 1, Librairie Reno H. Ladrens, successeur,

Paris, 1894, p. 152-153, 193, 243-244, 320.

https://archive.org/stream/journalroye01roye/journalroye01roye_djvu.txt